Skip to main content
Je Donne

Les troubles cérébraux dévoilent leurs mystères

Les spécialistes en neurosciences informatiques, comme le Pr Alan Evans, font progresser à pas de géant le savoir sur les troubles cérébraux grâce à un don important d’un de nos diplômés, Marc Sievers.

Alan Evans standing in front of a screen

Pr Alan Evans

Credit: Alex Tran

Pendant la lecture du présent article, votre cerveau sera à pied d’œuvre sur de multiples fronts : il interprétera les caractères à l’écran, puisera dans l’information stockée pour les comprendre, archivera des données aux fins de consultation ultérieure, etc. La recherche classique peut déterminer quelle région du cerveau prend en charge chacune de ces activités, mais qu’en est-il de la communication entre ces régions? Elle relève des neurosciences informatiques, l’un des domaines qui évoluent le plus rapidement en recherche, et l’un des plus prometteurs.

Cette discipline sera propulsée encore davantage grâce à un don d’envergure d’un diplômé de l’Université, Marc Sievers (B. Sc. 1969), qui permettra la mise en place de l’Initiative en neurosciences informatiques Marc et Susie-Sievers au Centre de neuroinformatique et de santé mentale Ludmer. Dans ce domaine, l’Université McGill est à l’avant-garde et le Pr Alan Evans est un véritable pionnier. C’est d’ailleurs lui qui assurera la direction scientifique de ce projet par l’entremise de son laboratoire, le Centre de neurosciences intégratives de l’Université McGill, sous les auspices du Centre Ludmer.

Les spécialistes en neurosciences informatiques ont recours à la modélisation informatique de haut vol (dite in silico) pour simuler les circuits cérébraux sains et défaillants afin de mieux comprendre le fonctionnement normal, le développement et les troubles du cerveau.

Les troubles cérébraux vus in silico

Ces recherches novatrices peuvent mener à des découvertes et à des constats de première importance sur des affections comme la dépression, des troubles du développement comme le spectre de l’autisme ou des maladies neurodégénératives comme les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.

« C’est un domaine fascinant qui évolue à la vitesse grand V et s’appuie sur les progrès de l’intelligence artificielle, des mégadonnées et de la neuroinformatique, fait observer Marc Sievers. Je suis heureux d’épauler le travail de l’Université McGill dans ce secteur. »

Depuis toujours, les troubles du cerveau figurent parmi les diagnostics les plus difficiles à poser en médecine.

« Lorsque le patient décrit ses symptômes, le médecin tente de comprendre ce qui se passe dans le cerveau et choisit l’intervention indiquée », explique Alan Evans, professeur titulaire de la Chaire James-McGill en neurologie et neurosciences au Neuro, codirecteur du Centre Ludmer et titulaire de la Chaire en neurosciences Victor-Dahdaleh. « Au fond, ce qu’il faut faire, c’est pénétrer dans le cerveau pour voir ce qui se passe dans les circuits internes. C’est quelque chose que nous pouvons faire aujourd’hui grâce à des technologies comme l’imagerie cérébrale. Ensuite, nous tentons d’établir un lien entre les données obtenues et le fonctionnement cognitif ainsi que les signatures génétiques dans le but de trouver l’origine du problème. »

La grande question qui interpelle ici le neuroscientifique est la suivante : comment associer différents types de données pour comprendre les connexions, et les déconnexions, qui se produisent dans le cerveau humain? C’est ici qu’entrent en scène les neurosciences informatiques et que l’appui de donateurs comme Marc Sievers prend toute son importance.

Un don pour la collaboration et la formation

Le don de Marc Sievers sera affecté plus particulièrement à deux axes essentiels : la collaboration interdisciplinaire en sciences et la transmission à une nouvelle génération de scientifiques des compétences et de l’expérience nécessaires à la progression du savoir dans des sphères diverses.

« Des spécialistes en mathématiques, en physique et en génie travailleront aux côtés de chercheurs en psychiatrie, en neurologie et en neurosciences cognitives », souligne le Pr Evans.

Grâce à ce don, on pourra faire appel à des programmeurs et à des experts en TI, qui bâtiront l’infrastructure nécessaire à la réalisation de travaux de pointe en sciences informatiques. Les fonds financeront également des activités de rayonnement, notamment un colloque international annuel, le Symposium sur les neurosciences informatiques Sievers.

« C’est formidable de travailler avec un donateur comme Marc [Sievers], qui a ce travail à cœur, se réjouit le Pr Evans. Il comprend parfaitement notre démarche scientifique, notre méthodologie et nos objectifs. »

Les spécialistes en neurosciences informatiques de l’Université McGill ont déjà quelques réalisations dignes de mention à leur actif.

Autisme et maladie d’Alzheimer

Parmi ces réalisations, mentionnons les travaux sur l’autisme de John Lewis, chercheur dans le laboratoire du Pr Evans, qui s’est intéressé aux données voulant que les premiers signes – ou biomarqueurs – de l’autisme ne soient décelables chez l’enfant qu’à compter de l’âge de deux ans. Or, à partir de vastes ensembles de données, John Lewis a montré que ces mêmes biomarqueurs étaient décelables dans le cerveau dès l’âge de six mois, percée importante qui pourrait permettre de diagnostiquer l’autisme plus tôt et de devancer ainsi le recours à des interventions et à des traitements.

Autre exemple probant : les travaux menés dans la maladie d’Alzheimer. Cette dernière est associée à la formation de plaques amyloïdes (amas de protéines agglutinées) dans le cerveau. Un membre de l’équipe du Pr Evans, Yasser Iturria-Medina, aujourd’hui professeur adjoint au Département de neurologie et de neurochirurgie, a bâti un modèle de propagation des protéines bêta-amyloïdes dans les connexions cérébrales à partir d’une vaste base de données ouverte. Il a ainsi montré que l’accumulation de ces protéines toxiques n’était pas le fait d’une surproduction de protéines bêta-amyloïdes, mais plutôt d’une défaillance du système glymphatique, mécanisme d’évacuation du cerveau qui draine ces protéines et d’autres déchets encombrant les voies neuronales.

Les percées comme celles-là sont essentielles à la mise au point d’interventions précoces visant à atténuer – voire à prévenir – les troubles cérébraux et peuvent accélérer la découverte de médicaments et d’autres types de traitements. 

La science ouverte, moteur de découverte

L’un des principaux catalyseurs des neurosciences informatiques est la science ouverte, diffusion sans entrave des données de recherche en vue de l’accélération des découvertes par la mise en commun des expériences complémentaires dans le monde entier.

« Grâce aux technologies numériques et à une plus grande ouverture au partage de données obtenues de haute lutte, les chercheurs en neurosciences des quatre coins du monde ont aujourd’hui accès à d’énormes quantités de données. Ils peuvent faire des découvertes en se livrant à leurs propres analyses, si bien que nous faisons beaucoup plus de chemin avec un même ensemble de données; et c’est toute la société qui en profite », souligne le Pr Evans.

Ce n’est pas d’hier que Marc Sievers s’intéresse de près aux travaux en neurosciences réalisés à l’Université McGill. En 2011, il établissait la Bourse Ann et Richard-Sievers en neurosciences en l’honneur de ses parents. Octroyée annuellement à un doctorant en cinquième ou sixième année d’études au sein du Programme intégré en neurosciences, cette bourse de 25 000 $ vient épauler de jeunes chercheurs menant des travaux novateurs dans le cadre de leur thèse et leur offre un tremplin financier pour terminer ou approfondir ces travaux. À ce jour, cette bourse a été remise à 10 étudiants qui, une fois leur doctorat en main, ont œuvré à la découverte de médicaments pour le traitement de maladies neurodégénératives et à la mise au point de modèles de cerveaux en trois dimensions d’une grande précision. 

Une longue tradition philanthropique en neurosciences

Le don de Marc Sievers s’inscrit dans une remarquable tradition philanthropique en recherche neuroscientifique à l’Université McGill. Vieille de nombreuses années, elle a conduit à des observations de première importance pour la compréhension de la santé mentale et des troubles neurodégénératifs. Le Centre Ludmer, partenariat entre Le Neuro (L’Institut-hôpital neurologique de Montréal), l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et l’Institut Lady-Davis pour la recherche médicale de l’Hôpital général juif de Montréal, a vu le jour en 2013 grâce au don fondateur d’Irving Ludmer, diplômé de l’Université McGill désireux de voir la prévention, le diagnostic et le traitement des troubles mentaux s’améliorer par la recherche novatrice.

Trois ans plus tard, grâce à une subvention de 84 millions de dollars du fédéral, l’Université donnait le coup d’envoi du programme Un cerveau sain pour une vie saine dans le but d’approfondir notre compréhension du cerveau humain et d’alléger le fardeau des maladies neurologiques et mentales. La croissance se poursuit de belle façon grâce à l’Initiative Sievers, à la croisée des neurosciences, des mathématiques et de l’intelligence artificielle.

Profondément attaché à cette tradition d’excellence en neurosciences, Alan Evans est un grand admirateur des pionniers de cette discipline, notamment le Dr Wilder Penfield, l’un des plus grands neurochirurgiens que le Canada ait connus, et de Brenda Milner, figure légendaire de la neuropsychologie qui, a 102 ans, n’a rien perdu de sa vigueur.

« Je travaille aux côtés de Brenda Milner, et cette femme ne cesse de m’étonner et de susciter mon admiration, nous confie le Pr Evans. Je n’en reviens pas de ma chance. »