Skip to main content
Je Donne

Au Centre Ludmer, la recherche sur le cerveau prend un nouvel essor

Une approche fondée sur la science ouverte pourrait permettre d’accélérer les progrès à l’échelle mondiale

Brain scan on a screen

Depuis son arrivée à l’Institut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro), il y a plus de 30 ans, Alan Evans a aidé l’Université et son réseau d’hôpitaux affiliés à bâtir l’une des plus vastes structures de recherche en neurosciences au monde, allant de la cartographie du cerveau en haute résolution Big Brain aux technologies de stockage de données issues de la superinformatique.

Ces avancées, parmi tant d’autres réalisées par ses collègues chercheurs, ont propulsé McGill et Montréal à l’avant-scène de la recherche sur le cerveau et constitué le fondement de progrès considérables dans notre compréhension des maladies mentales et d’autres troubles cognitifs.

Grâce à un don transformateur de la Fondation familiale Ludmer, soutien indéfectible de la recherche sur le cerveau à McGill et grâce à laquelle le Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale a vu le jour, un nouveau consortium international du Centre sur le cerveau permettra aux chercheurs de partager leurs ressources ainsi que leurs résultats plus largement, afin d’accélérer le rythme des avancées de la recherche.

Cet investissement de 10 millions de dollars porte le soutien financier total offert au Centre par la Fondation à 18 millions de dollars. Il a permis de créer le Fonds patrimonial du Centre Ludmer et a contribué à la mise en place d’un consortium mondial sur le cerveau, rassemblant les meilleurs établissements de recherche sur le cerveau dont l’objectif est de partager les infrastructures, les méthodes ainsi que les résultats de recherche pour accélérer la découverte de traitements.

« Toutes les initiatives auxquelles je prends part ont un point commun : la science ouverte, le partage de données, le rassemblement d’expertises complémentaires issues du monde entier », explique Alan Evans, professeur titulaire d’une chaire de recherche James McGill en neurologie et neurochirurgie au Neuro, titulaire de la Chaire de recherche en neurosciences Victor Dahdaleh et directeur scientifique de la Plateforme canadienne de neurosciences ouvertes et du programme Un cerveau sain pour une vie saine de l’Université.

Les recherches d’Alan Evans ont permis de mettre au point d’importants biomarqueurs pour le diagnostic précoce des maladies neurologiques et psychiatriques, en particulier la maladie d’Alzheimer et l’autisme, et il a été l’un des pionniers de nouvelles techniques d’imagerie cérébrale. Les principes de science ouverte sont au cœur de son travail, dont l’objectif est d’augmenter l’incidence de la recherche grâce au partage de résultats avec les scientifiques du monde entier, afin d’accélérer le rythme des découvertes.

Alan Evans explique que l’accès instantané aux données et aux algorithmes a transformé la science, un peu comme Internet a transformé la réalité de la vie quotidienne.

« Les chercheurs doivent trouver de nouveaux moyens de mener leurs travaux : partage de données, “colaboratoires” et collaborations entre chercheurs de disciplines scientifiques complémentaires », précise-t-il.

Fondé en 2013, le Centre Ludmer est issu d’un partenariat entre le Neuro, l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et l’Institut Lady Davis de recherches médicales de l’Hôpital général juif. Son mandat : améliorer la prévention, le diagnostic et le traitement des troubles mentaux grâce à l’innovation en recherche.

Alan Evans est l’un des trois codirecteurs du Centre Ludmer. Le deuxième, Michael Meaney, sommité mondiale en épigénétique et santé mentale, est titulaire d’une chaire de recherche James McGill en psychiatrie, directeur du Programme Sackler en épigénétique et psychobiologie, chercheur principal à l’Institut universitaire en santé mentale Douglas et expert thématique au sein du programme Un cerveau sain pour une vie saine.

Selon M. Meaney, l’accent mis sur le don de la Fondation Ludmer, partout dans le monde, est porteur d’espoir. « Il s’agit d’une entreprise sans pareil qui offre un énorme potentiel d’innovation à l’échelle mondiale », explique-t-il au sujet du consortium.

Le professeur Meaney et son équipe cherchent à élaborer une cartographie multidimensionnelle détaillée de ce à quoi peut ressembler une vulnérabilité aux maladies mentales et des interventions pouvant contenir ces affections avant qu’elles ne prennent racine au cours de l’adolescence ou du début de l’âge adulte.

Celia Greenwood, B. Sc. 1985, la troisième codirectrice, est experte en statistiques des sciences quantitatives du vivant et chercheuse principale à l’Institut Lady Davis de l’Hôpital général juif. À l’Université McGill, elle est professeure au Département d’oncologie Gerald Bronfman et au Département d’épidémiologie, de biostatistique et de santé au travail, et est directrice du nouveau programme d’études supérieures en sciences quantitatives du vivant.

Les recherches de Celia Greenwood portent sur la mise au point de méthodes statistiques et d’algorithmes complexes permettant aux chercheurs d’intégrer et d’utiliser diverses bases de données.

« Les jeunes chercheurs bénéficieront d’un soutien grâce à la Fondation familiale Irving Ludmer, ce qui leur permettra de mettre leurs idées créatives et audacieuses à l’épreuve et de les développer », explique-t-elle.

Celia Greenwood travaille elle-même en collaboration avec plusieurs chercheurs émergents du Centre Ludmer, parmi lesquels Tie Yuan Zhang, Kieran O’Donnell, Jean-Baptiste Poline et Rosemary Bagot, Ph. D. 2011.

Celia Greenwood et Rosemary Bagot, arrivée au Centre Ludmer en 2016, travaillent sur un projet financé par les Instituts de recherche en santé du Canada visant à comprendre les mécanismes associés à la prédisposition à la dépression; dans ce cadre, Celia Greenwood apporte son expertise en analyse de données.

Des recherches scientifiques en mode ouvert

Rosemary Bagot, titulaire de la bourse William Dawson et professeure adjointe au Département de psychologie, dirige une équipe de chercheurs au Laboratoire de neurogénomique comportementale pluridisciplinaire. Cette équipe examine la nature et les mécanismes associés à la prédisposition à la dépression, et notamment le rôle du stress.

Au laboratoire, l’imagerie calcique est utilisée pour enregistrer l’activité neuronale de souris durant des tâches données. L’outil utilisé par les chercheurs pour enregistrer l’activité neuronale est le Miniscope de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), un microscope miniaturisé en cours de construction selon une méthode ouverte.

« Il existe toute une communauté de personnes utilisant cette technique qui repose sur la volonté de s’entraider », explique Rosemary Bagot. Il était hors de question d’acquérir la version commercialisée du microscope, qui coûte des centaines de milliers de dollars.

Naturellement, le laboratoire de Rosemary Bagot vient à son tour en aide aux chercheurs en neurosciences du monde entier. Par exemple, pour enregistrer l’activité neuronale, une technique appelée photométrie de fibre est utilisée au laboratoire. C’est l’un des étudiants de Rosemary Bagot qui a écrit le code de cette analyse, et ce dernier est mis à la disposition des chercheurs du monde entier.

« Nous avons déjà abattu ce travail, alors autant le partager avec d’autres afin qu’ils puissent s’en servir pour faire avancer leurs propres recherches. »

Il s’agit là précisément du type de coopération particulière que le nouveau consortium vise à faciliter afin d’accélérer le processus de découverte et d’élaboration de traitements.

Rosemary Bagot est visiblement motivée.

« À titre de scientifiques, nous sommes extrêmement choyés d’exercer une profession que nous aimons au plus haut point. Cela dit, nous avons également la responsabilité de faire de notre mieux et de partager les connaissances que nous avons acquises de manière à accroître la portée de nos travaux. »

Un centre de collaboration mondiale

Expert en statistiques, imagerie et génétique ainsi qu’en neuroinformatique, Jean‑Baptiste Poline est arrivé au Centre Ludmer l’été dernier en qualité de professeur agrégé de neurologie et de neurochirurgie au Neuro.

C’est également une sommité mondiale pour ce qui concerne les politiques et les pratiques de la science ouverte. « Je souhaite améliorer l’efficacité de la recherche et en faciliter la diffusion et le traitement par les machines, explique-t-il.

Au Centre Ludmer, notre véritable objectif est d’encourager une recherche scientifique décloisonnée afin de consolider notre appartenance à une communauté plus vaste. Et pour ce faire, le Gobal Brain Consortium représente la voie à suivre. Il permettra aussi de nous assurer que nous sommes véritablement membres d’un centre de collaboration mondiale », ajoute-t-il.

Afin de mettre sur pied le Global Brain Consortium, le Centre Ludmer a formé un comité directeur composé des experts à l’échelle mondiale œuvrant dans des domaines scientifiques complémentaires. Ceux-ci ont été chargés de la conception et de l’organisation d’un atelier international qui aura lieu au printemps 2019.

Des données qui chantent

« Peut-être que partager les données de mes 50 sujets a peu d’importance, affirme Jean-Baptiste Poline. Mais si tout le monde partage ses données, alors la différence est énorme en matière de rapidité de la recherche. Notre objectif, à terme, est d’avoir des effets sur les applications cliniques. »

« Le fait de donner accès aux données à tous aura un impact retentissant, ajoute Alan Evans. Plus de chercheurs vont les analyser et auront soit des idées complémentaires, soit des conclusions diamétralement opposées. Quoiqu’il arrive, on aura appris quelque chose. »

Alan Evans décrit également une possibilité relativement nouvelle de rassembler différents types de données. « Nous regroupons toutes nos données : d’imagerie, comportementales, d’essais cliniques, de génétique, et même les échantillons tissulaires. Auparavant, ces types de données scientifiques étaient cloisonnés. Il était très rare de disposer de toutes ces données sur un sujet en un seul endroit. Désormais, nous pouvons le faire. S’il est possible de rassembler toutes ces données sur une personne, alors il est possible de poser des questions sur les traitements personnalisés. »

« L’important, pour moi, c’est de mettre en place les plateformes et les outils, poursuit Alan Evans. Une fois que c’est fait, on peut alors appliquer l’infrastructure à différentes questions d’ordre biologique. »

Il donne l’exemple de l’axe Canada-Cuba-Chine, une collaboration de recherche dont il est codirecteur.

Des groupes de ces trois pays font de la recherche sur la maladie d’Alzheimer et la démence. En Amérique du Nord, la principale forme de démence diagnostiquée est la maladie d’Alzheimer, alors qu’en Chine, il s’agit plutôt de démence vasculaire.

« Pourquoi? Nous envisageons quelques hypothèses, mais nous étions jusqu’à maintenant incapables de rassembler les données de ces deux régions afin de les comparer de façon systématique pour trouver la cause profonde des mécanismes sous-jacents de la maladie. Quelle en est la cause? La démence vasculaire et la maladie d’Alzheimer sont-elles deux entités distinctes ou font-elles partie d’un continuum? »

Les chercheurs vont analyser dans quelle mesure il s’agit de prépondérance génétique ou bien de causes environnementales, de style de vie ou de nutrition.

« On pourrait raconter des histoires (et poser des questions) similaires au sujet de la maladie de Parkinson, d’autres maladies neurodégénératives et de troubles du développement comme l’autisme », ajoute Alan Evans.

Coordination de la recherche

Jean-Baptiste Poline est d’avis que la coopération à l’échelle mondiale touche davantage à la question de la coordination de la recherche elle-même. « Comment des gens de laboratoires différents peuvent-ils partager leurs résultats de recherche? »

De concert avec des collègues du Centre Ludmer, Jean-Baptiste Poline travaille auprès de l’organisme International Neuroinformatics Coordinating Facility afin de contribuer à l’établissement de bonnes pratiques et de normes permettant de gagner du temps dans le domaine des neurosciences.

Quand tout le monde utilise le même format et les mêmes types de descriptions, même l’interopérabilité des logiciels devient possible, explique-t-il. « C’est là qu’on voit véritablement l’accélération de la recherche. C’est extraordinaire ».