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Un réseau se penche sur le cancer du poumon, un tueur peu étudié

Une approche scientifique axée sur la collaboration promet d’accélérer les travaux au Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman.

Logan Walsh, a cancer researcher at McGill Faculty of Medicine

En dépit de tous les dégâts qu’il cause, le cancer du poumon ne passe pas souvent sous la loupe.

En effet, s’il reste le cancer le plus meurtrier à l’échelle de la planète, il fait l’objet de trop peu d’études, elles-mêmes sous-financées, selon les spécialistes du Centre de recherche sur le cancer Rosalind et Morris Goodman (CRCG) de McGill.

Deux facteurs expliquent ce faible investissement : d’abord, le fait que le cancer du poumon soit souvent stigmatisé; ensuite, le nombre extrêmement limité de survivants, et par conséquent de patients exigeant plus de recherches.

À McGill, toutefois, les choses se mettent en branle en vue d’un grand duel contre la maladie, grâce à une approche scientifique fondée sur le travail d’équipe et la collaboration qui pourrait bien accélérer l’aboutissement des recherches.

En 2018, le gala du Centre de recherche sur le cancer Goodman a permis d’amasser plus de 3 millions de dollars, un record pour cet événement caritatif bisannuel, et de lancer le Réseau du cancer du poumon. Ce projet vise à unir les forces de spécialistes des sciences fondamentales et cliniques ainsi que de cliniciens de Montréal et d’ailleurs au Canada et à l’étranger, dans l’espoir de doubler le nombre de survivants du cancer du poumon d’ici dix ans.

La naissance de ce réseau était l’un des rêves de Rosalind Goodman, B.A. 1963, LL. D. 2011, qui s’est dévouée pour le Centre et qui est décédée d’un cancer du poumon bien qu’étant non-fumeuse, explique Morag Park, Ph. D. et directrice du CRCG.

« Le plus difficile, avec le cancer du poumon, c’est qu’il s’agit d’une maladie mortelle, explique Mme Park, aussi professeure de biochimie. C’est un cancer stigmatisé, car on l’associe au tabagisme. Pourtant, il y a chaque année autant de non-fumeurs qui succombent au cancer du poumon que de femmes qui meurent du cancer du sein au Canada. »

Bien que le projet soit lancé par le CRCG, le réseau collaboratif formera une entité à part entière. « Nous allons prendre part à la lutte. L’important, je crois, c’est de rallier tout le monde », dit Mme Park.

« De nombreux centres, dans divers établissements hospitaliers, vont désormais travailler ensemble vers un objectif commun en éliminant le travail en double, en réalisant les mêmes essais et en s’échangeant des données. »

Les chercheurs ont toujours collaboré entre eux, selon Mme Park. « La différence, c’est qu’à présent, nous avons un plan, une stratégie pour parvenir à un objectif commun. On veut comprendre pourquoi certains patients répondent bien au traitement et d’autres non. »

À Montréal, où les patients atteints du cancer du poumon sont nombreux et les cliniques, très achalandées, le projet vise à mobiliser à la fois les établissements affiliés à McGill et les centres qui opèrent hors du réseau de l’Université.

Pourquoi lancer ce réseau à Montréal?

Simplement parce que la ville compte des centres d’excellence, une population suffisamment élevée de patients et un grand nombre de médecins et de scientifiques de calibre international, explique Logan Walsh, Ph. D., chercheur au CRCG et premier titulaire de la Chaire de recherche Rosalind Goodman sur le cancer du poumon.

« Voilà notre atout et ce qui manque aux autres centres : cette fameuse combinaison, dont la population de patients est l’élément central. » Également professeur adjoint en génétique humaine, M. Walsh croit que le réseau permettra d’offrir aux patients les meilleures options thérapeutiques d’aujourd’hui tout en mettant au point des traitements encore plus efficaces pour l’avenir. « Selon moi, c’est aussi simple que ça. »

M. Walsh, recruté au Memorial Sloan Kettering Cancer Center de New York, explique quels sont, à son avis, les grands objectifs du projet. D’abord, cesser les traitements fondés sur des données rudimentaires, dont on connaît mal l’efficacité réelle. L’objectif, explique-t-il, est d’employer les techniques scientifiques les plus prometteuses pour mener une analyse prédictive, afin de ne choisir que les traitements qui ont la meilleure chance de réussite. »

« Malheureusement, de nombreux patients subissent une chimiothérapie qui les fait souffrir, sans que leur état s’améliore à quelque moment que ce soit, souligne M. Walsh. Il sera primordial, même dans le cadre de nos protocoles thérapeutiques actuels, d’étudier la biologie et les biomarqueurs en profondeur pour comprendre qui va répondre ou non à un traitement, afin d’aiguiller les patients en toute connaissance de cause. »

Une autre initiative, qui vient juste de voir le jour, vise à créer une nouvelle filière de traitement personnalisé pour les patients atteints d’un cancer du poumon qui récidivera à coup sûr. « Nous voulons étudier en laboratoire les tumeurs de patients individuels afin de trouver les médicaments les plus susceptibles de vaincre leur cancer. Nous pourrons ainsi mieux combattre les cancers récidivants », explique M. Walsh, qui décrit cette approche comme étant « l’essence même de la médecine personnalisée, une méthode qui pourrait rendre leur tranquillité d’esprit aux survivants du cancer du poumon ».

Le Dr Jonathan Spicer, B. Sc. 2001, M.D., C.M. 2005, M.D. 2014, chirurgien cardiothoracique au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et professeur adjoint à la Division de chirurgie thoracique qui a participé au lancement du réseau, croit que ce dernier fera de Montréal une ville de choix pour les compagnies pharmaceutiques qui mènent des essais cliniques. Ces essais pourraient aussi permettre d’offrir en primeur mondiale les nouveaux traitements aux patients. « Les patients québécois auraient accès à des traitements de pointe, dont on tirerait de nombreux enseignements », ajoute le Dr Spicer.

En un sens, souligne le Dr Spicer, la science repose de plus en plus sur les patients eux-mêmes. « À moins d’avoir accès à des essais cliniques d’avant-garde et aux ressources nécessaires pour traiter et analyser le sang et les tissus des patients tout au long du traitement, impossible d’être aux premières lignes de la recherche et des découvertes à venir. »

Un essai clinique de phase III portant sur un agent d’immunothérapie contre le cancer du poumon est en cours dans environ 140 établissements un peu partout au monde, y compris au CUSM, qui a recruté le tout premier patient et en compte le plus grand nombre à ce jour, dit le Dr Spicer.

On a par ailleurs élargi la portée de l’essai, qui est désormais offert au CHUM, à Saint-Jérôme, à Trois-Rivières et dans l’ouest du Québec, ajoute-t-il.

Il s’attend à ce qu’en 2021, lorsque l’essai international prendra fin et que les résultats seront publiés, la contribution du Québec  ̶  au-delà de 600 patients  ̶  soit la plus importante.

« Si nous donnons cet exemple, c’est parce qu’il prouve aux entreprises pharmaceutiques que notre réseau peut servir de centre de recherche de haut calibre sur le cancer », conclut le Dr Spicer.