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Je Donne

Un moment inconcevable dans l’histoire

Un diplômé en droit de McGill aux avant-postes de la réunification familiale aux États-Unis

Washington DC protest
: Alex Brandon/AP Photo

Au printemps 2018, les autorités des États-Unis ont commencé à séparer les enfants de leurs parents entrés illégalement sur leur territoire par sa frontière méridionale, puis à les envoyer dans des refuges. Cette décision a suscité un tollé dans l’opinion publique. BJ Jensen, B. C. L. /LL. B. (2011) s’est alors retrouvé en plein cœur de la tourmente.

BJ Jensen est associé à temps plein du secteur pro bono du cabinet juridique new-yorkais Paul, Weiss, dont le président cosignait justement dans le New York Times du 25 juin 2018 un texte d’opinion bien senti sur la politique de séparation des familles.

« Nous ne pouvons pas rester les bras croisés quand notre gouvernement viole la loi en prétendant la faire respecter, et traumatise ce faisant des enfants ainsi que leurs parents », affirmaient notamment les auteurs. Paul, Weiss et 33 autres grands cabinets juridiques des États-Unis ont décidé d’agir, et BJ Jensen a joué un rôle décisif dans cette offensive.

En collaboration avec d’autres avocats, le diplômé de McGill a entrepris de scruter les registres publics des sites Web gouvernementaux pour retrouver les parents des enfants se trouvant à New York. À partir d’entrevues réalisées auprès des jeunes, ils sont partis à la recherche de leurs parents pour les remettre en contact.

À propos de ces démarches mises sur pied par Paul, Weiss en collaboration avec d’autres grands cabinets juridiques new-yorkais, l’avocat explique : « Cela n’a pas été facile, car un enfant de quatre ans ne connaît pas nécessairement le nom officiel de ses parents… Nous devions par conséquent recourir à d’autres stratégies. »

En avril, l’administration Trump annonçait une « politique de tolérance zéro » pour les personnes entrées illégalement aux États-Unis.

« Les autorités se sont alors mises à intenter des poursuites contre les parents pour délit d’entrée sur le territoire national sans autorisation », rappelle BJ Jensen. « Cependant, puisque les établissements de détention pour motifs criminels ne peuvent pas accueillir les enfants ni les familles, elles confiaient les jeunes […] au Bureau de réinsertion des réfugiés (Office of Refugee Resettlement) et les considéraient comme des enfants étrangers non accompagnés. »

BJ Jensen a participé activement à la stratégie de réunification familiale de Paul, Weiss, qui consiste notamment à envoyer des avocats sur le terrain auprès des parents détenus au Texas ou à Albany (New York).

Le cabinet juridique défend par ailleurs plusieurs parents à titre individuel, tel ce père qui, après avoir traversé la frontière au Texas, s’est réveillé en sursaut quand sa fillette lui a été arrachée des bras. Ils ont été séparés pendant 93 jours.

« Le père a été envoyé au New Jersey et la fillette, au Michigan », précise BJ Jensen. Heureusement, ses collègues ont finalement réussi à les réunir.

M. Jensen n’a pas assisté aux retrouvailles. « Comme au moment du décret anti-immigration [de l’administration Trump], je travaille surtout au téléphone et à l’ordinateur dans ce dossier, car j’orchestre en quelque sorte toute l’action sur le terrain. »

Néanmoins, la stratégie de réunification familiale du cabinet juridique n’aurait pas produit d’aussi bons résultats sans « l’esprit d’initiative et le travail acharné de BD », souligne Vincent-Pierre Fullerton, B. C. L./LL. B. (2016), [ancien] collègue de M. Jensen et lui-même diplômé en droit de McGill.

Pendant presque deux mois, tandis que des équipes d’avocats du cabinet se relayaient à El Paso, BJ Jensen veillait à ce que chacun d’eux « dispose des connaissances institutionnelles nécessaires pour faire avancer le processus et représenter nos clients de manière efficace », précise Vincent-Pierre Fullerton.

« Très au fait des questions d’immigration, BJ s’assurait également que chacun et chacune de nous comprenait bien le contexte très particulier de son action. En plus de composer avec toutes sortes d’obstacles culturels et linguistiques, nous intervenions auprès de parents immigrants souvent fortement traumatisés. C’est dans ces conditions difficiles que nous devions discerner leurs recours les plus prometteurs en matière d’immigration, mais aussi les aider à retrouver leurs enfants. »

Le cabinet juridique préside par ailleurs le comité directeur mis sur pied par l’Union américaine pour les libertés civiles (American Civil Liberties Unio, ACLU) en vue de faciliter la réunification des familles quand les parents sont expulsés du territoire national sans leurs enfants. Dans l’entrevue qu’il accordait au McGill News en août 2018, BJ Jensen révélait que ce comité occupait l’essentiel de ses journées de seize heures.

« Actuellement, nous travaillons surtout à retrouver les parents qui ont été expulsés des États-Unis sans leurs enfants, puis à déterminer ce qu’ils souhaitent pour l’avenir », expliquait-il.

« Leurs témoignages font froid dans le dos. Certains nous disent qu’on leur a promis qu’ils retrouveraient tout de suite leurs enfants s’ils quittaient le pays sans demander l’asile. Ils sont montés dans l’avion en pensant que leurs enfants s’y trouveraient aussi… Depuis, ils sont laissés dans le noir; ils n’ont aucune nouvelle. »

En janvier 2017, M. Jensen a aussi pris à bras-le-corps les répercussions du premier décret anti-immigration de l’administration Trump.

« Pendant une semaine environ, nous avons maintenu des équipes sur le terrain 24 heures sur 24, en particulier à l’aéroport JFK. À l’époque, cela nous a paru très long! Aujourd’hui, quand je pense à ces enfants séparés de leurs parents, cela me semble bien court… »

BJ Jensen a grandi à Ottawa. Il s’est ensuite inscrit en droit à McGill. Il garde un souvenir ébloui de ces années d’université. « Les étudiants étaient tout à fait remarquables! La Faculté attire des personnes enthousiastes et engagées, mais aussi formidablement diverses. »

BJ Jensen a été auxiliaire juridique à la Cour fédérale, notamment auprès de M. Allan Lutfy, ancien juge en chef. Étudiant à McGill, il a travaillé plusieurs étés pour le cabinet Paul, Weiss avant de se joindre à cette équipe en tant qu’associé en litige.

À son poste actuel, il organise et supervise les activités pro bono du cabinet, particulièrement en matière d’immigration. Ses journées se composent en général d’une « longue succession d’appels téléphoniques ou de courriels qui me prennent entre cinq et quinze minutes environ chacun », explique-t-il. « Mes responsabilités consistent principalement à repérer les problèmes et à les régler moi-même ou aider mes collègues à le faire dans les divers dossiers qui nous sont confiés. »

BJ Jensen se dit très heureux d’exercer ses talents dans un cabinet juridique « extraordinaire » qui se préoccupe sincèrement et concrètement de justice sociale. Son travail en réunification familiale, ajoute-t-il, représente à ce jour le projet personnel et professionnel le plus important de sa vie.

Quand on pense aux époques calamiteuses de l’histoire, dit-il, « on se demande souvent ce qu’on aurait fait si on avait été là. La situation que nous vivons en ce moment est absolument calamiteuse. Pour moi, il est inconcevable qu’elle se soit produite et qu’elle perdure. »

« Je me sens extrêmement privilégié de pouvoir me consacrer à faire évoluer les choses. »