L’essentiel des études cliniques sur les maladies cardiovasculaires continue de porter sur les hommes, mais on commence à accorder plus d’attention au cœur des femmes.
En juillet 2019, Cœur + AVC et l’Université McGill ont créé la première chaire de recherche sur la santé cardiaque des femmes au Québec.
Pour ouvrir le bal, la chaire entreprend une étude sur l’allaitement chez les femmes qui ont souffert de prééclampsie, une grave maladie qui se manifeste par de l’hypertension pendant la grossesse.
Les complications qui y sont associées augmentent le risque de maladie cardiaque; or, il semblerait que l’allaitement pourrait aider à renverser la tendance.
C’est la question sur laquelle se penchera la Dre Natalie Dayan, première titulaire de la Chaire professorale de recherche sur la santé cardiaque des femmes pour chercheur en début de carrière de Cœur + AVC et de l’Université McGill.
Habituellement, la prééclampsie disparaît après l’accouchement : la pression sanguine s’améliore en quelques jours ou semaines, et le taux de protéines dans l’urine diminue. Toutefois, les médecins savent maintenant que la maladie « a probablement des effets à long terme sur les vaisseaux sanguins », explique la Dre Dayan, clinicienne-chercheure au Programme de recherche en santé cardiovasculaire au long de la vie de l’Institut de recherche du Centre universitaire de santé McGill (IR-CUSM) et titulaire d’un baccalauréat en sciences (2001), d’un doctorat en médecine et d’une maîtrise en chirurgie (2006), et d’une maîtrise en sciences (2014).
« Le risque de maladie cardiaque est plus élevé chez les femmes atteintes de prééclampsie, surtout si la maladie est grave ou associée à une naissance prématurée – avant 37 semaines –, et si elle réapparaît lors des grossesses subséquentes.
« On sait maintenant que même après sa disparition, la prééclampsie constitue un important facteur de risque de maladies cardiaques précoces – c’est-à-dire survenant à la quarantaine, avant la ménopause – pour les femmes. »
Son projet de recherche tentera de déterminer si l’allaitement est bénéfique pour la pression sanguine, comme semblent l’indiquer des études rétrospectives.
Ces études, qui portaient sur les commentaires de groupes de femmes sur leurs pratiques d’allaitement passées, ont toutes montré que les mères qui allaitaient plus longtemps ou plus souvent tendaient à avoir une pression moins élevée, de meilleurs profils métaboliques, un poids inférieur et un risque moins élevé de maladies cardiaques, précise la Dre Dayan.
Dans l’étude de McGill, la moitié des participantes, choisies aléatoirement, suivront une intervention visant à favoriser l’allaitement, où elles rencontreront individuellement une infirmière; l’autre moitié recevra les soins cliniques habituels. Les deux groupes seront suivis jusqu’à 12 mois après l’accouchement à la Clinique de santé cardiovasculaire maternelle du CUSM, fondée par la Dre Dayan.
« Nous allons les suivre de près et mesurer leur pression sanguine, leur glycémie et leur taux de cholestérol à plusieurs reprises au fil du temps », ajoute-t-elle. Avec son équipe de recherche, elle souhaite également savoir si l’allaitement est biologiquement ou psychologiquement plus difficile pour ces femmes, qui pourraient avoir été traumatisées par les graves complications de leur grossesse et ont probablement vu leur bébé séjourner à l’unité néonatale de soins intensifs.
Elle fait remarquer qu’aucune étude n’a cherché à savoir si l’allaitement avait des vertus protectrices immédiates pour le système vasculaire.
Si l’allaitement améliore le profil métabolique, alors « il agit un peu comme un médicament. On sait qu’il a des effets sur les vaisseaux sanguins : il relâche certaines hormones et protéines dans la circulation. »
L’équipe de recherche déterminera si l’intervention infirmière a augmenté le taux d’allaitement chez les participantes, fait baisser leur pression sanguine et réduit le besoin de prendre des médicaments pour l’hypertension.
Un suivi longitudinal pour comprendre chez qui les maladies cardiovasculaires apparaissent
L’équipe recueillera une grande quantité de données, notamment sur la santé mentale et les mesures physiques et biologiques. La Dre Dayan espère associer ces données aux dossiers de santé électroniques afin d’effectuer un suivi à long terme des hospitalisations liées aux problèmes de cœur et de mieux comprendre quelles femmes auront un jour des maladies cardiaques.
Jusqu’à maintenant, l’étude a recruté près de 30 femmes au site Glen du CUSM. Un site partenaire à l’Université Queen’s y participe également, et d’autres sites à Montréal s’y ajouteront pour atteindre l’objectif d’environ 350 participantes.
La grossesse, l’éducation des enfants et l’allaitement ne sont que quelques-unes des différences entre les hommes et les femmes – et les grossesses sont un facteur de risque à ne pas négliger, soutient la Dre Dayan. « Certains comportements biologiques et innés, comme l’allaitement, peuvent également offrir une protection naturelle. Il faudrait le souligner et encourager leur adoption. »
La chaire de recherche sur la santé cardiaque des femmes est la cinquième au Canada à être financée par Cœur + AVC.
« Nous avons toujours su que les maladies cardiovasculaires étaient une des causes de décès les plus importantes au Canada. Mais depuis 10 ou 15 ans, on reconnaît qu’elles touchent différemment les hommes et les femmes.
« On doit pouvoir distinguer les facteurs de risque chez les hommes et les femmes : les symptômes de maladies cardiaques peuvent être différents selon le sexe, tout comme la réaction au traitement.
« C’est une très bonne chose que la santé cardiaque des femmes attire davantage l’attention. »