Les conditions météorologiques extrêmes et les catastrophes naturelles font partie de la vie sur Terre et elles peuvent avoir des effets dévastateurs sur ses habitants. Il suffit de penser aux dinosaures.
Les scientifiques s’accordent de plus en plus à dire que l’augmentation de la fréquence et de la gravité des phénomènes météorologiques, comme les vagues de chaleur, les feux de forêt, les tempêtes et les inondations, est la preuve que le climat de la Terre est en train de changer.
« Pris de manière isolée, les phénomènes météorologiques inhabituels que nous observons se sont déjà produits dans le passé. Mais le fait qu’ils se produisent ensemble et avec une fréquence et une intensité beaucoup plus grandes est alarmant », déclare Frédéric Fabry, directeur de l’École de l’environnement Bieler et professeur agrégé au Département des sciences atmosphériques et océaniques.
« Ce que nous vivons est un signal d’alarme. À l’heure actuelle, les seules personnes qui ne croient pas au changement climatique sont celles qui ne veulent pas y croire. »
Des faits brûlants au sujet du réchauffement climatique
Les scientifiques savent depuis longtemps que les gaz à effet de serre, comme le dioxyde de carbone et le méthane, provoquent le réchauffement de la planète. « Bien qu’ils ne constituent qu’une petite partie de l’atmosphère, ces gaz ont des effets disproportionnés sur le climat en piégeant une partie de la chaleur de la planète avant qu’elle ne s’échappe dans l’espace, explique M. Fabry. Le réchauffement de l’atmosphère entraîne des changements dans les schémas météorologiques et le climat dans différentes régions de la Terre, ce qui se traduit par des phénomènes météorologiques plus extrêmes. »
La situation est particulièrement désastreuse pour les régions nordiques de la planète, y compris le Canada, qui se réchauffent à un rythme plus de deux fois supérieur à celui de la planète. Plus alarmant encore, les régions arctiques se réchauffent encore plus rapidement. La revue Nature rapporte que, depuis 1979, l’Arctique se réchauffe presque quatre fois plus vite que le reste de la planète.
Aujourd’hui, convaincus que les chercheurs et chercheuses de McGill sont capables de trouver des solutions viables à ces graves problèmes, Marc et Marie Bieler, diplômés de McGill, ont fait un don philanthropique pour créer la Chaire Bieler sur le changement climatique et la durabilité dans le Nord, qui dynamisera la recherche sur le changement climatique et l’environnement à la Faculté des sciences de l’agriculture et de l’environnement et dans l’ensemble de l’Université.
Ce don ajoute à un don sans précédent que les Bieler ont fait il y a trois ans pour renforcer les capacités d’enseignement interdisciplinaire, de recherche et d’apprentissage par l’expérience de l’École de l’environnement, rebaptisée l’École de l’environnement Bieler.
« Je me demande ce que je peux faire pour aider le monde et la situation difficile dans laquelle il se trouve actuellement », affirme Marc Bieler, Dip.Agr. (1958), B.A. (1964), dont la carrière fructueuse d’entrepreneur agroalimentaire a amené certains à le surnommer le « roi de la canneberge » du Canada.
« Mon épouse et moi avons des enfants dans la vingtaine. Ils doivent s’inquiéter de ce qui se passera dans 20 ans, car si les tendances actuelles se maintiennent, ce sera désastreux. »
Le réfrigérateur de la planète
Pour comprendre pourquoi l’Arctique se réchauffe beaucoup plus vite que le reste de la planète et qu’il demeure un élément si essentiel de la complexité du changement climatique, M. Fabry dit qu’il faut tenir compte du rôle de la glace de mer, laquelle agit comme le réfrigérateur de la planète. À certains moments de l’année, la glace de mer couvre en moyenne 25 millions de kilomètres carrés de la surface de notre planète, soit une superficie équivalente à environ deux fois et demie celle du Canada.
« La glace recouverte de neige réfléchit 80 pour cent du rayonnement solaire, ce qui aide à maintenir une température stable, dit-il. Mais l’eau libre en absorbe de 80 à 90 pour cent. Plus l’air se réchauffe, plus la glace fond, ce qui signifie qu’il y a plus d’eau libre pour capter plus de chaleur. Un cercle vicieux — que les scientifiques appellent “boucle de rétroaction positive” — est créé, ce qui accélère le réchauffement. »
La Chaire Bieler
Nommée conjointement à l’École de l’environnement Bieler et au Département des sciences des ressources naturelles, la Chaire Bieler relèvera les défis du réchauffement du Nord en regroupant la recherche et l’enseignement en matière d’environnement dans un vaste éventail de domaines à McGill, y compris la biologie de la faune et des pêches, l’écologie des forêts et du paysage, l’entomologie, la microbiologie, la science des sols, l’écotoxicologie, la science de la durabilité et même l’économie et la politique des ressources naturelles.
Brian Driscoll
« Compte tenu de l’importance que McGill accorde déjà à la recherche dans le Nord, la nouvelle chaire trouvera un lieu d’accueil et de collaboration », affirme Brian Driscoll, directeur du Département des sciences des ressources naturelles et professeur agrégé de microbiologie.
M. Driscoll partage le sentiment d’urgence de M. Bieler. « L’humanité doit comprendre que ce qui se passe dans le Nord ne reste pas dans le Nord. La façon dont nous nous attaquerons au changement climatique et dont nous nous y adapterons au cours des prochaines années aura un impact à l’échelle mondiale. »
M. Driscoll est très préoccupé par les effets dévastateurs du changement climatique sur les populations autochtones du Nord, dont l’existence est liée aux traditions de chasse et de pêche. « Les communautés du Nord du Canada ont un lien profond avec la terre. Le changement climatique est une menace omniprésente pour leurs moyens de subsistance, leur culture, leurs relations sociales, leur sécurité alimentaire et leur santé. »
Un engagement de longue date envers la recherche dans le Nord
L’Université McGill s’est engagée depuis longtemps à mener des recherches dans le Nord. « Au cours des 25 dernières années, le Département des sciences des ressources naturelles a concentré ses activités de recherche sur le Nord, explique M. Driscoll. Nos scientifiques explorent la région sous divers angles, des organismes microscopiques du pergélisol aux insectes et oiseaux de mer spécifiquement adaptés, en passant par les ours polaires. »
Nombre de ces projets de recherche sont menés à partir de la station de recherche arctique de McGill. Créée en 1960, il s’agit de l’une des plus anciennes installations saisonnières de recherche sur le terrain en exploitation dans l’Extrême-Arctique canadien.
Située au Nunavut et entourée de montagnes et de glaciers, la station sert de ressource non seulement pour les scientifiques de McGill, mais aussi pour ceux d’autres universités, de la NASA, de l’Étude du plateau continental polaire, de la Commission géologique du Canada et du Musée canadien de la nature. Certains des renseignements environnementaux les plus détaillés sur l’Arctique, y compris les données des cartes topographiques, y ont été recueillis.
L’Arctique change rapidement
La vie dans l’Arctique repose sur un équilibre délicat. Même une légère augmentation de la température peut avoir un impact énorme sur un écosystème fragile qui sert d’habitat à des espèces que l’on ne trouve nulle part ailleurs sur Terre.
Au cours des vingt dernières années, le professeur Lyle Whyte, titulaire de la Chaire de recherche du Canada (niveau 1) en microbiologie polaire, a étudié les plus petites de ces créatures : les microorganismes qui vivent à des températures inférieures à zéro dans le pergélisol et dans des sources salines froides uniques.
Lyle Whyte
« La cryomicrobiologie, c’est-à-dire l’exploration de la vie microbienne à basse température, n’est pas encore bien comprise. Or il est essentiel de savoir si et comment ces communautés sont actives dans les écosystèmes polaires pour déterminer leur impact sur le cycle biogéochimique mondial et la manière dont elles réagiront à un environnement qui se réchauffe rapidement », explique-t-il.
Le problème du pergélisol
L’un des éléments essentiels de l’écosystème vulnérable de l’Arctique est le pergélisol, une couche de sol gelé en permanence (et qui ne l’est plus vraiment aujourd’hui) qui contient de grandes quantités de matière organique consommées par les microbes. Puisque le réchauffement de la température fait fondre le pergélisol, les composés stockés dans cette matière organique sont rejetés dans l’atmosphère. Il s’agit notamment des gaz à effet de serre que sont le dioxyde de carbone et le méthane, qui réchauffent l’atmosphère et accélèrent encore le dégel du pergélisol.
« Le méthane retient beaucoup plus de chaleur dans l’atmosphère que le dioxyde de carbone », explique M. Whyte. Ses recherches ont permis de découvrir une bonne nouvelle : « Dans les régions de l’Extrême-Arctique, des bactéries spécialisées vivant dans le pergélisol consomment le méthane comme source d’énergie. Malheureusement, ce n’est pas le cas dans les régions arctiques plus au sud, où le méthane est rejeté dans l’atmosphère. »
Le réchauffement de l’Arctique entraîne d’autres menaces pour l’environnement. Les feux de forêt dans la toundra sont désormais plus fréquents et rejettent du dioxyde de carbone dans l’air. En dégelant les sols et en libérant des nutriments que les microbes peuvent digérer, ces incendies provoquent également la libération d’une quantité encore plus importante de gaz à effet de serre.
Et puis il y a les menaces posées par l’une des espèces envahissantes les plus dommageables de la planète : l’humain. À mesure que la glace polaire cède la place à l’océan, les navires de croisière, les pétroliers et les bateaux de pêche sillonneront les eaux arctiques, ce qui augmentera le risque de déversement de pétrole, les bruits marins nuisibles et les risques de collision avec des animaux marins.
Trouver des solutions viables
Bien que les défis que doit relever le Nord soient de taille, M. Driscoll est optimiste : « En tant que chercheurs, nous ne pouvons pas nous résigner au pire des scénarios. Nous sommes déterminés à réaliser le meilleur scénario possible : un scénario qui, en fin de compte, est bon pour notre planète et pour tous ceux qui en dépendent. Grâce à l’expertise et au leadership de la Chaire Bieler, nous mobiliserons nos forces considérables et poursuivrons nos efforts pour former la prochaine génération d’acteurs du changement en environnement. »