En 2008, quand le Dr Nicolas Cadet a entrepris ses études à l’École de médecine de l’Université McGill, il était l’un des six étudiants noirs de sa cohorte.
« Je pense que ce nombre n’avait jamais été aussi élevé. On m’a dit que la plupart des années, il oscillait entre zéro et quatre », indique Nicolas Cadet, MDCM 2012, ophtalmologiste et chirurgien oculoplastique montréalais.
Avec sa famille, il s’emploie activement à rehausser le nombre de médecins noirs. En 2021, il a créé la Bourse de la Fondation Cadet de la Faculté de médecine et des sciences de la santé de l’Université McGill, épaulé par son épouse, la Dre Ji Wei Yang, MDCM 2012, endocrinologue au Centre universitaire de santé McGill (CUSM) et par ses parents : Sylvie, médecin de famille, et Robespierre, pasteur ayant immigré d’Haïti au début de l’âge adulte.
Les efforts concertés déployés par la Faculté et ses leaders étudiants pour remédier à la sous-représentation des étudiants en médecine noirs portent également fruit. Depuis l’automne 2022, une vingtaine d’étudiantes et d’étudiants noirs font leur entrée chaque année à l’École de médecine. Au total, 218 étudiants ont été admis au programme MDCM de l’Université McGill en 2023-2024, et 247 ont été admis cette année. On dénombre actuellement environ 75 étudiants noirs inscrits dans cette discipline à l’Université McGill, en comptant ceux qui sont en année préparatoire.
Le Programme d’accès aux étudiants noirs de la Faculté, une catégorie d’admission facultative réservée aux candidates et aux candidats québécois au programme MDCM (ou à l’année préparatoire en médecine pour les étudiants du cégep) qui se définissent comme Noirs, a été lancé à l’année universitaire 2022-2023.
La Dre Anita Brown-Johnson, MDCM 1988, FMPD 1990, chef de la médecine familiale au CUSM, a joué un rôle essentiel dans la création du programme d’accès, et souligne que celui-ci est axé sur le mérite. « Il était primordial pour nous que les normes académiques appliquées dans la sélection des étudiantes et des étudiants soient conformes à celles déjà en vigueur et qui, selon des recherches rigoureuses, prédisent la réussite d’un parcours dans cette discipline.
« Notre objectif est de faire tomber les obstacles historiques, et de créer des chances égales pour tous d’accéder au mentorat et à l’information pertinente sur l’inscription à l’École de médecine.
« L’accès au mentorat représente la plus grande difficulté, ce qui n’est pas surprenant étant donné la sous-représentation de longue date des membres de la population noire en médecine », ajoute-t-elle.
Les candidates et les candidats noirs au programme MDCM peuvent obtenir l’appui d’un mentor pendant le processus d’admission grâce au Programme de communauté de soutien du Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire de la Faculté. Ce programme, chapeauté par des étudiants, jumelle des candidats noirs à des étudiantes et des étudiants actuels qui se sont portés volontaires pour répondre aux questions sur le processus d’admission et d’entrevue.
Un sentiment d’appartenance
Divine Malenda, B. Sc. inf. 2019, B. Sc. en kinésiologie 2022, est l’une des six personnes ayant reçu une Bourse de la Fondation Cadet jusqu’à maintenant.
Au secondaire, elle décide qu’elle deviendra obstétricienne-gynécologue. « Je n’ai pas pu entrer en médecine dès ma sortie du cégep, mais je voulais quand même travailler dans le domaine, alors je me suis inscrite en sciences infirmières », indique la boursière, qui est également titulaire d’un diplôme en kinésiologie de l’Université McGill.
Quand elle a déposé une nouvelle demande d’admission à l’École de médecine de l’Université McGill par l’entremise du nouveau Programme d’accès aux étudiants noirs, Divine Malenda a aussi soumis la lettre de motivation requise mettant en contexte son expérience de vie. Elle a été mentorée par un étudiant en médecine pour le processus d’entrevue, et a été inscrite sur la liste d’attente, puis admise. Elle en est maintenant à sa troisième année en médecine.
Selon elle, l’Université McGill accueille bien ses étudiants noirs en médecine?
« Oh oui, tout à fait. Je pense que notre nombre – on était environ 25 dans ma cohorte – y a fait pour beaucoup, dit-elle. Et le Dr Cadet a posé un geste merveilleux au début de l’année universitaire. »
En 2022, Nicolas Cadet et sa famille ont coparrainé avec Anita Brown-Johnson une activité d’accueil à leur chalet pour les étudiantes et les étudiants en médecine noirs. « Ça nous a beaucoup rapprochés, affirme Divine Malenda, qui essuie une larme en décrivant la journée. Mon parcours d’étudiante était déjà passablement étoffé, et je me demandais si j’allais rencontrer des gens au cheminement semblable au mien. C’était vraiment une belle journée. Plusieurs étudiants avaient déjà eux aussi un baccalauréat ou une maîtrise, et on a donc noué des liens presque instantanément. »
On voyait que tout le monde s’intéressait aux autres, et tenait à conserver des liens pendant tout le programme. »
Lors de cette rencontre, les étudiantes et les étudiants ont pensé à des façons d’entretenir leurs relations, et les ont mises par écrit. « Ces règles étaient simples, mais je les ai gardées en mémoire, parce qu’on voyait que tout le monde s’intéressait aux autres, et tenait à conserver des liens pendant tout le programme », indique l’étudiante. Une des règles qu’elle a adoptées d’emblée : saluer les autres étudiants, à chaque rencontre, dans les corridors ou les salles de classe. « Nous nous saluons toujours, partout. »
L’année suivante, l’Association des étudiants noirs en médecine de l’Université McGill, fondée peu de temps auparavant, a entrepris l’organisation de l’activité d’accueil, toujours coparrainée par la Fondation Cadet et Anita Brown-Johnson. Cette dernière a pris la parole pendant l’événement, tout comme la doyenne, Lesley Fellows, et d’autres invités.
Les études en médecine du Dr Cadet à l’Université McGill ont été pour lui une expérience positive. « Je suis heureux de constater que les nouveaux étudiants en médecine se sentent bien accueillis au sein d’une communauté déjà bien présente. »
2020 : une période charnière
Anita Brown-Johnson souligne les efforts de sensibilisation que déploie la Faculté auprès des membres de la communauté noire depuis de nombreuses années, notamment par la visite d’écoles secondaires, où on vient parler d’études en médecine.
Elle affirme que ce n’est toutefois qu’à la suite d’une période charnière, en 2020 – l’année du meurtre de George Floyd et de la mort atroce de Joyce Echaquan dans un hôpital québécois – que les établissements se sont mobilisés pour s’attaquer à la sous-représentation de certaines populations.
Le Caucus des professeurs et employés noirs Dr-Kenneth-Melville, dont Anita Brown-Johnson est membre fondatrice, a collaboré avec le Bureau du provost à l’élaboration du Plan de lutte contre le racisme anti-noir de l’Université McGill, publié à l’automne 2020, lequel a incité la Faculté à mettre en place son propre plan personnalisé.
La Faculté a notamment créé son Programme d’accès aux étudiants noirs, co-dirigé de diverses façons par des membres de la population étudiante, dont Victoire Kpadé, MDCM 2022, alors étudiante en médecine. Selon Anita Brown-Johnson, la communauté noire de la région a considérablement contribué à l’élaboration du plan. « J’ai fait office de consultante pendant le processus de mise en place du plan, en collaboration étroite avec le Dr Saleem Razack, l’ancien directeur du Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire, et Victoire Kpadé, aujourd’hui médecin. La direction de la Faculté et le Service des admissions ont également mis la main à la pâte. »
La Dre Brown-Johnson, qui mentore plusieurs étudiantes et étudiants noirs par l’entremise du programme, se dit très satisfaite des progrès réalisés jusqu’à maintenant.
« Je ressens une profonde gratitude et un grand sentiment d’accomplissement. J’ai bon espoir que ces efforts auront une incidence considérable sur la santé de la communauté noire, mais aussi sur l’ensemble des étudiants en médecine de l’Université McGill, qui profiteront de nos connaissances et de notre expérience, puisque tout le monde étudie ensemble, affirme la médecin. Les participants auront la chance de s’épanouir, et les besoins de nos communautés seront mieux compris. »
Quant à Nicolas Cadet, il espère ardemment voir le réseau des étudiants noirs en santé s’agrandir et se renforcer. « Ce serait une excellente chose, pas seulement pour les étudiants en médecine, qui deviendront médecins, mais pour nos communautés, et pour la société dans son ensemble ».