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Parcours d’immigrants grecs

Alexander Grasic, BA’18, in Greece.

Lors d’un événement public organisé par la communauté hellénique de la région de Montréal, deux-cents élèves d’écoles primaires et secondaires ont présenté les histoires que leurs grands-parents leur ont racontées sur leur immigration de la Grèce vers le Canada.

Il s’agit là de l’une des nombreuses initiatives d’Immigrec, un projet aux multiples facettes sur l’immigration grecque mené par McGill avec le soutien de la Fondation Stavros Niarchos.

« L’objectif est de donner accès aux recherches effectuées par l’Université au grand public et à la communauté montréalaise, y compris la plus jeune génération », explique Anastassios Anastassiadis, titulaire de la chaire de grec moderne et d’études helléno-canadiennes à McGill et l’un des chercheurs principaux du projet Immigrec.

Les apprentis historiens ont utilisé une version simplifiée du questionnaire Immigrec, utilisé par les chercheurs de tout le Canada, pour interroger leurs grands-parents et pour réaliser des entrevues d’immigrants dont l’histoire est désormais accessible au Musée virtuel de l’immigration grecque au Canada (en grec et en anglais), lancé en mai 2019.

« Cela permet aux élèves de voir en quoi consiste la recherche, poursuit Anastassios Anastassiadis. C’est emballant. Ces enfants ont ces origines, mais n’y ont pas nécessairement été exposés. L’histoire gréco-canadienne, c’est aussi la leur, car l’histoire avec un grand “H” n’est pas faite que de grands personnages ni de dates. »

Né d’une collaboration internationale entre McGill et l’Université de Patras, le projet Immigrec a également profité de la participation de l’Université de New York et de l’Université Simon Fraser.

« Ce projet a pour but de documenter la vie des immigrants depuis l’origine de leur voyage, dans leur village de Grèce, jusqu’à nos jours », explique Anastassios Anastassiadis. Il traite en particulier du mode d’évolution de la langue dans un environnement linguistique différent et de l’histoire sociale du processus d’immigration du milieu des années 1940 à la fin des années 1970.

Les documents d’archives jouent un rôle prépondérant dans ce projet. En tant qu’adjoint de recherche de premier cycle, Alexander Grasic, B. A. 2018, a contribué au catalogage des données et à la numérisation des documents. Son travail a porté principalement sur un projet de travail social du YMCA dans le Mile-End de Montréal qui a permis de joindre plus de 2 000 familles d’origine grecque. Il a également contribué à l’élaboration d’une carte numérique des adresses d’immigrants grecs pour le musée virtuel.

Ces recherches lui ont permis de renforcer ses propres liens avec sa famille à Montréal.

« Je savais que mes grands-parents étaient arrivés de Grèce à la fin des années 1950, mais je n’aurais jamais pu imaginer ce qu’ils avaient vécu, explique-t-il. Ils ont vraiment surmonté bien des obstacles. Je comprends désormais beaucoup mieux ce que cela signifiait, pour ma grand-mère, d’être couturière payée à la pièce dans le Mile-End. Je savais qu’elle avait exercé cet emploi, mais j’ignorais dans quel contexte. »

Toucher le passé du doigt

Étudiante à la maîtrise en histoire et membre de l’équipe mcgilloise pour le projet Immigrec, qui rassemble des chercheurs postdoctoraux aussi bien que des étudiants de premier cycle, Stavroula Pabst, M. A. 2019, s’est penchée sur les habitudes quotidiennes de consommation au sein de la diaspora grecque de Montréal en répertoriant les annonces publiées dans le Greek Canadian Tribune.

« Lire du grec d’il y a 50 ans, c’est un exercice intéressant, explique Stavroula Pabst, originaire de Lancaster, en Ohio. C’est aussi très révélateur de voir les endroits où les membres de la communauté achetaient et vendaient les produits, où ils travaillaient et habitaient. »

Ce projet a permis à Mme Pabst, elle-même gréco-américaine, de tisser des liens avec Montréal et la communauté grecque locale.

« Une grande partie de mon travail porte sur des entreprises qui n’existent plus, mais les lieux, eux, subsistent. Alors, j’ai tissé des liens personnels avec la ville. J’ai assisté aux événements publics de la communauté grecque, et les personnes que j’y ai rencontrées se souviennent des choses dont nous parlons. Cela permet également de constater ce que nos travaux représentent pour les membres de la communauté. Nos recherches ont pour eux une véritable importance, et c’est extrêmement valorisant. »

Outre l’accent mis sur les documents d’archives, le projet adopte une approche plus personnelle. « Cela comprend, bien entendu, les entrevues individuelles, qui permettent de perpétuer les souvenirs de chacun, mais aussi les documents personnels que nous avons numérisés, comme les passeports, les visas, les contrats de travail, les baux ainsi que les photos de voyage, indique Anastassios Anastassiadis. Tout cela, mis en commun, raconte les grandes lignes de l’histoire de l’immigration. »

Des histoires uniques

Constantinos Yanniris est lauréat de la bourse d’excellence de la Fondation Stavros S. Niarchos pour les études supérieures établie en 2014, qui vise à financer la formation d’étudiants grecs qualifiés à McGill.

En 2013, venu à Montréal à titre de doctorant à la Faculté des sciences de l’éducation, Constantinos Yanniris a rencontré le cousin de son grand-père, Xenofon Nikolopoulos, découvert l’histoire de son arrivée au Canada et comment il y a gagné sa vie en tant que travailleur de la construction dans le nord et peintre automobile dans une usine de l’ouest du Canada. Après avoir appris l’existence du projet Immigrec, Constantinos Yanniris a mis les chercheurs en contact avec ce membre de la famille retrouvé.

« Le projet Immigrec permet de préserver l’histoire de Xenofon Nikolopoulos et d’anciens compatriotes, histoires qui constitueront une ressource d’une grande richesse pour les générations futures qui étudieront l’histoire du Canada », affirme Constantinos Yanniris.

La suite des choses

Une équipe composée d’anthropologues, d’historiens, de sociologues, de linguistes et de psychologues des quatre universités ont élaboré un questionnaire pour les entrevues avec les immigrants d’origine grecque comme Xenofon Nikolopoulos. Ce questionnaire couvre divers sujets, des raisons qui ont poussé les immigrants à quitter leur pays au processus d’intégration, et cherche à savoir si les personnes interrogées se sentent aujourd’hui plutôt grecques, plutôt canadiennes ou si elles considèrent posséder les deux identités. Ce groupe hétérogène de chercheurs a également travaillé de concert pour définir la vision du musée virtuel.

« Tout ce dont les visiteurs ont besoin, c’est d’un écran d’ordinateur pour accéder au site du musée et y naviguer », explique Anastassios Anastassiadis. Comme un musée physique, le musée virtuel comporte un atrium et neuf salles thématiques.

Les visiteurs peuvent parcourir le musée virtuel, s’approcher des objets, écouter des enregistrements et même personnaliser leur expérience grâce à une fonction de recherche. Une base de données électroniques complémentaire permet d’explorer les documents plus en profondeur.

Selon Anastassios Anastassiadis, ce musée virtuel sera un précurseur pour d’autres projets et d’autres communautés.

« Notre savoir-faire peut aider à bâtir des projets similaires, en particulier pour d’autres pays ayant accueilli une importante communauté d’origine grecque à l’époque qui nous intéresse, comme les États‑Unis, l’Allemagne et l’Australie », poursuit-il.

Maintenant que le musée a ouvert ses portes, la deuxième phase du projet Immigrec consiste à créer un centre d’étude sur l’immigration et la diaspora grecques.

« Nous voulons alimenter nos recherches avec de nouveaux documents au fil de leur parution », explique Anastassios Anastassiadis, qui voit le centre devenir un pôle mcgillois de recherche sur la mobilité humaine et la diaspora.

« De nos jours, l’immigration est un sujet d’importance, poursuit-il. Nous pouvons apprendre beaucoup en analysant le passé. Nous participons au processus thérapeutique qui consiste à écrire l’histoire et grâce auquel les communautés peuvent réfléchir à leur passé, parfois traumatisant. Nous écrivons cette histoire avec ses acteurs. Comme les étudiants qui ont interrogé leurs grands-parents, ils finiront par écrire eux-mêmes les histoires. »