Il y a trois ans, l’avocate Marilyn Piccini Roy (Ad. E., LL. B. 1982, B.C.L. 1983) répondait aux questions pressantes sur la planification successorale en temps de pandémie, soulignant l’importance de se doter d’un testament et les éléments à prendre en considération dans la planification successorale.
« Un testament est un document juridique révocable. On peut l’annuler ou le modifier n’importe quand », explique cette associée au sein du cabinet Robinson Sheppard Shapiro, S.E.N.C.R.L., à la tête du groupe Successions, testaments et fiducies.
La planification successorale soulève de nombreuses questions. Peut-on établir soi-même son testament? Comment laisser un legs ou un don testamentaire à un organisme de bienfaisance? Quels sont les divers instruments et les pièges à éviter? Marilyn Piccini Roy nous offre une fois de plus ses conseils d’experte en la matière.
Les présentes ne constituent pas des conseils
Dans le présent article « Dons planifiés : Legs », l’Université McGill et le présentateur offrent de l’information générale (l’« information ») seulement. L’information ne constitue pas des conseils professionnels de nature juridique, financière ou autre. Vous devez consulter un conseiller professionnel pour faire évaluer votre situation. Par ailleurs, bien que l’information présentée soit conforme aux faits et à jour, elle ne saurait être considérée comme une analyse complète des sujets présentés. Les opinions sont celles du présentateur et sont communiquées sous réserve de modification. Les opinions exprimées dans le présent article sont celles de l’interviewé et ne correspondent pas nécessairement à celles de McGill ou de ses membres. Les renseignements généraux ci-dessous s’appliquent aux résidentes et résidents du Canada. McGill déterminera, sur demande, si une rente de bienfaisance peut être consentie à une personne domiciliée à l’étranger.
Puis-je établir moi-même mon testament ou dois-je faire appel à une personne professionnelle?
Vous pouvez établir vous-même votre testament, mais je vous le déconseille. Vous avez tout intérêt à consulter une ou un spécialiste (notaire, avocate ou avocat) en planification successorale et en rédaction de testaments. Il importe de faire appel à une personne qui possède les compétences nécessaires.
Dans un vieux poème anglais intitulé Toast to the Jolly Testator (À la santé du joyeux testateur), les avocats portent un toast à un testateur qui rédige lui-même son testament, le considérant comme le « meilleur ami » de la profession : [traduction] « Il écrit puis efface, fait bévue sur bavure, crée des puzzles et des nœuds gordiens » qui soulèveront de nombreux litiges.
Peut-on rédiger un testament à la main au Canada? Le cas échéant, dans quelles provinces et quels territoires?
On qualifie d’olographe un testament entièrement rédigé et signé de la main de la testatrice ou du testateur. C’est une pratique courante. Mais pour être reconnu comme tel, le testament olographe ne doit comporter aucune partie produite sur une machine à écrire ou un ordinateur.
Ces testaments sont valides et généralement reconnus au Canada, sauf en Colombie-Britannique et à l’Île-du-Prince-Édouard.
Il en va de même en Europe, où la plupart des pays reconnaissent ces documents, notamment le Royaume-Uni, la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Autriche, l’Espagne et la Suisse.
À quelle fréquence faut-il mettre à jour un testament?
Idéalement, vous devez mettre à jour votre testament tous les trois à cinq ans, ou s’il survient un changement dans votre vie : une naissance, un décès, un mariage, un divorce ou votre retraite.
Pour apporter de petites modifications à un testament, on peut préparer un codicille. En quoi consiste ce document et quels en sont les avantages?
Un codicille est un moyen simple d’apporter des modifications mineures à un testament. Ce document peut servir à changer, à expliquer, à ajouter, à supprimer ou à confirmer des dispositions. Que votre testament soit olographe, établi devant témoins ou, au Québec, notarié, vous pouvez y joindre un codicille sous n’importe quelle forme reconnue comme étant valide. Ce document est largement admis au Canada.
Mais attention : il faut l’utiliser avec parcimonie et uniquement pour apporter de petites modifications. Les changements complexes peuvent prêter à confusion, et vous pourriez révoquer par inadvertance des parties ou la totalité de votre testament en y ajoutant plusieurs codicilles.
L’expérience m’a appris qu’il vaut mieux éviter de rédiger des codicilles, car ils peuvent engendrer des problèmes plus importants que leurs avantages. Pour modifier un testament dans notre monde numérique, il est plus simple et beaucoup plus sûr d’en rédiger un nouveau.
Comment faire pour léguer une partie de mon patrimoine à mes proches et l’autre à un organisme de bienfaisance? Quels sont les avantages de chaque option?
Il existe plusieurs façons de planifier votre succession pour atteindre ces deux objectifs tout en allégeant le fardeau fiscal à votre décès.
Prenons l’exemple d’un homme et d’une femme mariés et parents de deux enfants maintenant adultes, qui possèdent d’importants portefeuilles de placement. Si l’homme décède le premier, sa succession sera libre d’impôts parce qu’il a légué son patrimoine à son épouse. Le legs à une conjointe ou à un conjoint, directement ou par l’intermédiaire d’une fiducie à son bénéfice (nous y reviendrons), est un transfert en franchise d’impôt, soit essentiellement un report d’impôt sur les gains en capital non réalisés jusqu’au décès de la conjointe ou du conjoint survivant. À ce moment, les gains accumulés et non réalisés sur les portefeuilles de placement seront soumis à l’impôt.
La première option consiste à donner des parts de la succession directement aux enfants et à un organisme de bienfaisance, de préférence par un transfert de valeurs mobilières, afin de soustraire à l’impôt les gains en capital et d’obtenir un reçu officiel pour la succession. Le legs à l’organisme donnera également lieu à un reçu officiel de don de bienfaisance, qui viendra réduire l’impôt sur les gains en capital. En raison de la fluctuation des cours des actions, il est difficile de calculer le montant idéal du don de bienfaisance de manière à éliminer le fardeau fiscal et à laisser un bel héritage aux enfants.
Il est possible de compléter le legs en désignant les enfants bénéficiaires d’une police d’assurance vie, ou encore d’amplifier la valeur d’un don de bienfaisance en désignant l’organisme comme bénéficiaire d’une police d’assurance vie existante ou d’une nouvelle police. (Consultez à ce sujet la page sur l’assurance vie.)
Au chapitre des doubles stratégies de planification, vous pouvez créer une fiducie au bénéfice de votre conjointe ou conjoint pour le reliquat de votre succession, en stipulant que tous les revenus iront à la personne survivante et qu’elle aura le droit de puiser dans le capital de son vivant. Au décès de la conjointe ou du conjoint, les fiduciaires auront le pouvoir d’attribuer directement à l’organisme de bienfaisance un montant égal à l’obligation fiscale. Le don de bienfaisance pourrait aussi être versé par un transfert de valeurs mobilières, avec les avantages fiscaux pour l’organisme et la succession que j’ai décrits plus haut.
Cependant, le legs d’une participation au capital à un organisme de bienfaisance n’est pas avantageux sur le plan fiscal (voir ci-dessous mes commentaires sur la fiducie résiduaire de bienfaisance). Le reste des biens de la fiducie peut être distribué aux enfants en parts égales sous forme de droit de propriété ou demeurer dans la fiducie pour une durée déterminée.
De quelle façon puis-je faire un legs à un organisme de bienfaisance?
Il y a plusieurs moyens de faire un legs à un organisme de bienfaisance. Le plus simple est le don en argent d’un montant déterminé. Vous pouvez aussi léguer un pourcentage du reliquat de votre succession.
Outre les dons en espèces, vous pouvez léguer des valeurs mobilières, avec les doubles avantages que j’ai expliqués plus haut.
Le legs de titres de sociétés fermées est soumis à certaines conditions, notamment votre indépendance de l’organisme de bienfaisance (direction, fiduciaires, membres du conseil d’administration et autres responsables).
De même, sous certaines conditions, vous pouvez léguer un REER ou un FERR, une œuvre d’art ou un bien immobilier.
Une fiducie résiduaire de bienfaisance(FRB) est une autre option, mais pas aussi viable au Canada, car elle ne donne pas droit à un reçu officiel de don de bienfaisance applicable à la dernière déclaration de revenus de la personne défunte.
Tout don à un organisme de bienfaisance donne droit à un reçu officiel au montant intégral du don. Quels en sont les avantages pour la succession?
Un legs à un organisme de bienfaisance donne droit à un reçu officiel au montant intégral du don.
Dans la plupart des cas, le montant maximal sur lequel vous pouvez demander un crédit d’impôt pour dons chaque année correspond à 75 % de votre revenu imposable. Mais, pour l’année de votre décès, le montant admissible équivaut à 100 % de votre revenu. Vous pouvez ainsi réduire, voire éliminer l’impôt à payer sur la déclaration de revenus de cette année. Il n’est plus permis de reporter les crédits d’impôt inutilisés à l’année précédant votre décès, mais ils peuvent être reportés jusqu’à cinq années ultérieures.
Quelles sont les retombées d’un legs sur McGill?
Un legs à McGill a de vastes retombées. Il peut ouvrir les portes de l’Université à des étudiantes et étudiants de différentes origines et cultures pour les aider à réaliser leurs ambitions, enrichissant du même coup les échanges intellectuels sur le campus. Votre don peut aussi financer la recherche de pointe et contribuer ainsi au progrès mondial dans de nombreux domaines.
Quand et comment dois-je informer McGill de mon don?
Très peu de gens qui font un legs à un organisme de bienfaisance l’en informent à l’avance. Les personnes qui n’ont qu’une modeste succession hésitent encore plus à annoncer leurs intentions.
C’est tout à fait compréhensible; personne n’a envie de crier sur les toits son acte de bienfaisance. Mais il est toujours préférable d’aviser l’organisme bénéficiaire en toute transparence. En effet, bon nombre de ces organismes rendent hommage à leurs donatrices et donateurs par l’entremise d’associations patrimonialeset les tiennent au fait des retombées de leur futur don. De plus, l’organisme de bienfaisance peut plus facilement établir des budgets prospectifs et prévoir son avenir.
(Si vous avez inscrit McGill dans votre planification successorale, nous vous prions de nous en aviser.)
Pourquoi est-il important d’inclure un libellé sur l’affectation du don?
Un tel libellé garantit que votre legs demeurera toujours productif si les circonstances devaient changer de façon imprévue. (Consultez la section « Affectation du don » sur la page Formulations suggérées pour un legs.)
En intégrant une clause de non-exécution dans votre testament, vous restez maître de l’utilisation de votre legs au lieu de laisser d’autres personnes en décider à votre place. Vous devez préciser que, s’il advenait une fusion de l’organisme de bienfaisance avec un autre ou sa dissolution pure et simple après votre décès, le legs sera transféré au nouvel organisme né de la fusion ou à un autre organisme à vocation semblable.
Notez bien qu’au Québec, le transfert d’un legs à un autre organisme de bienfaisance doit obligatoirement passer par une fiducie, à la discrétion des fiduciaires. À défaut d’une telle disposition, une requête peut être adressée à un tribunal afin d’obtenir ses directives, et une telle démarche entraîne des retards et des coûts.
Y a-t-il des pièges à éviter si j’envisage de faire un legs à un organisme de bienfaisance?
Oui, mais vous pouvez facilement en éviter certains :
- Vérifiez bien le nom officiel de l’organisme de bienfaisance et, si possible, inscrivez également son numéro d’enregistrement et son adresse. (Ces renseignements sont indiqués sous « Bon à savoir » sur la page des Legs de McGill.)
- Si vous destinez votre legs à une fin précise, assurez-vous que l’organisme est en mesure de l’utiliser selon votre volonté ou, si ce n’est pas possible, peut s’en servir au profit d’une cause semblable.
- Évitez de soumettre votre legs à des restrictions ou à des conditions impossibles à respecter ou onéreuses.
- Si les fonds sont destinés à financer un projet précis, comme l’institution d’une chaire ou d’une série de conférences, assurez-vous que le montant du legs est suffisant pour le réaliser.
- Pour éviter toute contestation, établissez un plan successoral bien équilibré. Si des membres de votre famille s’estiment lésés en raison du montant disproportionné octroyé à l’organisme de bienfaisance, il y a un risque de litige. Léguez un montant suffisant à votre conjointe ou conjoint et à vos enfants pour atténuer ce risque.
- Au moment d’établir votre testament, vous devez être apte et libre de toute influence indue.
- Veillez à ce que votre testament soit exécuté dans les règles.
- Si vous avez plusieurs testaments ou situs, assurez une bonne coordination entre eux.
- Demandez un avis juridique indépendant pour votre planification successorale et la rédaction de votre testament.
Puis-je modifier mon testament si ma situation change?
Un testament est un document juridique révocable. Vous pouvez l’annuler ou le modifier n’importe quand si votre situation change, à condition d’être mentalement apte à le faire.
En quoi consiste une clause de sauvegarde?
L’ajout à votre testament d’une clause de sauvegarde, aussi appelée clause de décès simultanés ou clause sur la non-exécution, vous procure l’assurance que les bénéficiaires remplaçants ou secondaires (qu’il s’agisse de personnes ou d’organismes) reçoivent le reliquat de votre succession si tous les bénéficiaires de votre legs décèdent avant vous ou en même temps, ou renoncent à leurs avantages. Vous évitez ainsi que le reliquat soit soumis aux règles de succession non testamentaire (qui peuvent désigner des parents éloignés comme bénéficiaires) ou qu’une requête soit déposée à grands frais auprès d’un tribunal.
Lois applicables
L’Information ne constitue ni une offre ni de la sollicitation en vue de l’achat ou de la vente de devises, de fonds de placement ou d’autres produits, services ou renseignements à qui que ce soit, dans quelque territoire que ce soit.
Veuillez vous informer sur les lois en vigueur dans votre pays ou sur celles qui s’appliquent à votre situation relativement aux sujets traités dans le présent article. Si vous décidez d’accéder au présent article, vous le faites de votre propre gré, et il vous incombe de respecter les lois locales, nationales ou internationales.