Quand elle était encore à l’école secondaire, Salima Ramdani est venue passer quelques jours à McGill pour se faire une idée du quotidien des professionnels de la santé.
« Ce stage a changé mon avenir, explique-t-elle. J’ai découvert les différents programmes de santé et discuté avec des conseillers pédagogiques. La diversité de l’équipe de bénévoles m’a permis de m’imaginer à leur place. »
Salima est aujourd’hui étudiante en médecine à McGill, et, dans son quotidien chargé, elle prend le temps d’inspirer la prochaine génération d’étudiants.
Dans tout le Canada et au-delà des frontières du pays, les établissements d’enseignement postsecondaire s’appliquent à promouvoir la diversité, l’inclusion et l’équité. McGill ne fait pas exception.
Les étudiants comme Salima Ramdani, que ce soit au sein de la Faculté de médecine ou de la Faculté de médecine dentaire, jouent un rôle déterminant dans les efforts de l’Université pour améliorer la représentativité du corps étudiant des programmes de santé de McGill.
Depuis dix ans, afin de mieux comprendre qui s’inscrivait dans son programme de formation médicale de premier cycle, la Faculté de médecine effectue des sondages auprès des nouveaux étudiants. Depuis 2017, les questionnaires sont également donnés aux nouveaux étudiants des autres programmes de santé : médecine dentaire, sciences infirmières, physiothérapie, ergothérapie et orthophonie.
D’après les résultats, les Autochtones et les Noirs étaient sous-représentés dans les programmes de santé de McGill, tout comme les étudiants issus de familles à faible revenu ou venant de régions rurales peu peuplées.
McGill a pris des mesures en vue de rectifier ce déséquilibre, mais le travail se poursuit, notamment depuis que la Faculté de médecine s’est donné des cibles plus ambitieuses en matière de diversité à partir de 2022.
Les étudiants s’engagent en faveur du changement
Salima Ramdani et ses condisciples s’attaquent eux aussi à la sous-représentation.
Trois programmes créés par des étudiants de McGill visent les étudiants plus jeunes, qui, pour la plupart, sont encore à l’école secondaire, et leur offrent du mentorat et des stages pratiques pour qu’ils découvrent diverses professions de la santé.
Les programmes sont affiliés au Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire de la Faculté de médecine et à son Comité d’expansion de la participation, dont le mandat est de favoriser l’augmentation de la diversité, de l’équité et de l’ouverture au sein de la Faculté.
La Dre Nicole Li-Jessen, présidente du Comité d’expansion de la participation, insiste sur l’importance des étudiants pour le travail du comité.
« Ils sont tellement passionnés et motivés, remarque la docteure, qui est également professeure adjointe à l’École des sciences de la communication humaine. Ils apportent le point de vue des étudiants, ce qui nous permet d’adapter notre travail. En tant que professeurs, nous pouvons être plutôt idéalistes et éloignés de la réalité. Ils nous donnent leur point de vue, leurs impressions, leurs sentiments sur ce dont les étudiants ont vraiment besoin. Leur interaction avec la génération suivante est très utile pour l’élaboration du programme. »
« Les étudiants sont nos meilleurs ambassadeurs, confirme le Dr Saleem Razack, directeur du Bureau de la responsabilité sociale et de l’engagement communautaire de la Faculté de médecine et professeur de pédiatrie à McGill. Nous fournissons l’échafaudage, c’est notre façon de travailler ensemble. Les étudiants sont plus proches de ces jeunes que nous essayons d’attirer. Ils sont véritablement les mieux placés pour nous aider dans le recrutement. »
Expérience pratique
Chaque été, le programme Explore! Careers in Health (exploration de carrières en sciences de la santé) de McGill accueille des étudiants du secondaire issus de milieux socioéconomiques défavorisés pour leur permettre de vivre le quotidien des professionnels de la santé.
Au départ, Explore! ne durait qu’une après-midi; c’est désormais un camp d’été de trois jours et deux nuits. Appuyées par une équipe dirigeante formée de neuf étudiants, les coprésidentes et étudiantes en médecine Jessica Hier et Salima Ramdani ont des objectifs d’avenir ambitieux.
Le programme Explore! prévoit d’ajouter une autre activité à l’automne, visant à faire en sorte que les participants aient leurs chances lors de leur inscription dans les programmes de professions de santé. Ils travaillent également à l’établissement d’un programme de mentorat qui jumellera chaque étudiant ayant participé au camp d’été à un étudiant de l’un des programmes de soins de santé de McGill, et à la diffusion d’une infolettre afin de communiquer avec les parents.
« C’est lors du camp Explore! que j’ai réalisé que c’était une voie possible pour moi », explique Salima Ramdani, qui est actuellement en deuxième année de médecine. Elle a à cœur de montrer ce qu’une carrière de professionnel de la santé peut apporter aux étudiants.
« Ils ont les capacités d’accomplir de grandes choses, dans le domaine des soins de santé et bien au-delà. Nous leur montrons les différentes façons de le faire », explique‑t‑elle.
« Moi aussi, je peux le faire. »
Un autre programme, le groupe Health Outreach Projects (HOP) (projets d’accompagnement en sciences de la santé), envoie des étudiants bénévoles de McGill aux journées d’orientation des écoles de Montréal et organise des activités permettant de se mettre dans la peau d’un professionnel de la santé pendant une journée.
« Quand on est étudiant ou même enfant, et qu’on va chez le médecin, on a envie de voir quelqu’un qui nous ressemble », remarque Maria Gueorguieva, coprésidente de HOP avec l’étudiante en médecine dentaire Jiayi Li. Avec leur équipe dirigeante, les coprésidentes prévoient la mise en place de nombreuses activités similaires au programme Explore!.
Jiayi Li s’intéresse tout particulièrement à la diversité depuis qu’elle a appris, lors d’un projet de recherche, que même si davantage de femmes obtiennent un diplôme de médecine dentaire, il leur faudra davantage de temps pour atteindre des rôles influents, par exemple, dans les associations universitaires et professionnelles.
« Davantage de femmes en médecine dentaire, davantage de personnes issues de milieux différents : ainsi, davantage de personnes pourront dire “moi aussi, je peux le faire” », affirme Jiayi Li.
L’importance du soutien
La dernière initiative en date, Supporting Young Black Students (SYBS) (soutien aux jeunes étudiants noirs), travaille avec des groupes communautaires en vue de jumeler les étudiants du secondaire avec un mentor et organiser des activités collectives populaires.
À leur arrivée à McGill, les cofondateurs de SYBS, Lashanda Skerritt et Clément Bélanger Bishinga, ont commencé à réfléchir et à communiquer sur ce qui les avait amenés à s’inscrire à la Faculté de médecine de McGill.
« Je réalisais soudainement que si on n’a pas de soutien, c’est vraiment difficile de s’imaginer faire ces études-là et d’avoir les capacités d’entrer dans un programme très difficile d’accès », se rappelle Lashanda Skerritt.
SYBS offre ce type de soutien grâce à son programme de mentorat, à ses activités communautaires et à des panels de discussion. Dans le cadre du programme de mentorat, les mentorés assistent à des ateliers réguliers pour voir en quoi consistent les compétences cliniques.
Dès le début, SYBS a travaillé auprès de groupes communautaires montréalais, comme l’Association jamaïcaine de Montréal et la fondation Montréal à cœur, qui ont de l’expérience dans le mentorat de jeunes et des liens avec des étudiants qui pourraient tirer profit d’un programme de mentorat comme celui qu’offre SYBS.
L’automne dernier, SYBS a organisé un événement avec des professionnels de la santé noirs.
« Nous avons évoqué la sous-représentation, les obstacles, le racisme et les problèmes systémiques, mais il y avait aussi un message positif : si vous avez envie d’aider les gens, de faire en sorte que la justice sociale fonctionne et de prendre soin des patients, alors une carrière en soins de santé pourrait être gratifiante pour vous », explique Lashanda Skerritt.
Des expériences pleines de diversité
« Une partie de notre travail, c’est de prendre conscience des nombreux types d’expériences que nous ne voyons pas tous de la même façon », indique Lashanda Skerritt.
Elle remarque que tout le monde n’a pas forcément les moyens de participer aux activités populaires auprès des étudiants qui souhaitent s’inscrire à un programme en santé très couru, comme se rendre à l’étranger pour travailler auprès de populations défavorisées, ce qui, dans la plupart des cas, se fait bénévolement.
HOP, Explore! et SYBS cherchent à offrir d’autres moyens pour les jeunes d’acquérir de telles expériences, prisées par les bureaux des admissions : ce pourrait être un programme d’observation en milieu de travail, où les adolescents travailleraient aux côtés d’un étudiant ou d’un professionnel de la santé.
« Nous tentons d’avoir des conversations sérieuses pour trouver de nouvelles façons pour les jeunes de montrer leur engagement communautaire », explique Lashanda Skerritt.
Expansion de la participation, évaluation des répercussions
Le Comité d’expansion de la participation de la Faculté de médecine lance une étude longitudinale en vue d’évaluer les répercussions de ces programmes menés par des étudiants.
Un nouveau questionnaire permettra de rassembler des données de quantification de l’augmentation de l’intérêt pour les professions en santé chez les participants à ces programmes, et dans quelle mesure cela se traduit dans le nombre de candidatures et d’admissions, que ce soit à McGill ou ailleurs.
L’objectif est de mener cette étude auprès de la cohorte du camp Explore! Careers in Health de cet été.
« Grâce à nos sondages, nous savons que certains de nos étudiants des groupes sous‑représentés ont pris part à nos programmes, indique le Dr Saleem Razack. Les programmes passerelles fonctionnent, mais nous aimerions avoir plus de détails. »
Les étudiants tiennent à participer à l’étude longitudinale. « Nous voulons connaître l’ampleur des répercussions, explique la coprésidente de HOP, Maria Gueorguieva. Ce que nous faisons nous plaît, mais nous voulons investir notre temps et notre énergie à bon escient. »