L’Université McGill a mis sur pied une clinique psychologique destinée à la population montréalaise.
« Nos services s’adressent aux groupes mal desservis, c’est-à-dire aux personnes qui pourraient difficilement obtenir une aide psychologique ailleurs », explique Nate Fuks, professeur adjoint en psychologie et directeur du Centre de psychologie clinique de la professeure Virginia I. Douglas. « Nous voulons servir le plus grand nombre possible de Montréalaises et Montréalais. »
Les débuts
La clinique a ouvert ses portes à la fin de 2020, grâce à un généreux don anonyme. Le Département de psychologie souhaitait se doter d’une clinique interne, afin de former ses doctorantes et doctorants en psychologie clinique tout en servant la population de la région de Montréal.
« C’est un lieu d’excellence en formation sur les thérapies fondées sur des données probantes », souligne le professeur Fuks.
La majorité des services sont dispensés par une cohorte étudiante de deuxième année au doctorat.
Chaque doctorante et doctorant prend en charge quatre ou cinq personnes pour au moins 12 séances chacune, ce qui représente jusqu’à 80 heures d’expérience clinique. « L’objectif est de former des psychologues capables de travailler dans le secteur public », précise le professeur Fuks.
Le coût étant le principal obstacle pour de nombreuses personnes, les honoraires sont fixés à un maximum de 40 $ par séance.
On peut recourir aux services de la clinique pour un trouble de l’humeur, un trouble obsessionnel-compulsif, de l’anxiété ou une dépression, ou pour des problèmes liés à une transition personnelle, à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle, au stress découlant de l’appartenance à une minorité ou aux relations interpersonnelles. En raison de l’expérience limitée des thérapeutes, la clinique n’accepte pas de personnes souffrant de troubles psychiatriques sévères.
Nouvelles frontières : plus de thérapeutes, de services et de recherche
Le professeur Fuks, qui était auparavant à la tête d’une clinique semblable à la Faculté des sciences de l’éducation, avait participé à la création de la clinique psychologique. Lorsqu’on lui a proposé le poste de directeur, il ne pouvait pas laisser passer une telle occasion.
« C’est une initiative qui me passionne, dit-il. Pour avoir vu tout le potentiel de cette clinique, j’avais très envie d’en prendre les rênes en vue d’assurer son développement optimal. »
Il est fier de voir la clinique élargir son offre de services. En septembre, elle accueillera 14 doctorantes et doctorants, la plus grande cohorte à ce jour.
« La demande est énorme actuellement, surtout à cause de la COVID-19, souligne le professeur. Le secteur public est débordé. Il faut s’inscrire sur une liste d’attente et patienter un an, voire deux, avant d’obtenir les services d’un hôpital ou d’un CLSC. Et le secteur privé est de moins en moins accessible en raison de l’augmentation des coûts. »
Grâce à un financement provincial, la clinique acceptera cette année des enfants et des jeunes en plus de sa clientèle adulte habituelle.
« La demande émanant de ces groupes explose, commente le professeur Fuks. Les listes d’attente peuvent s’étendre sur deux ou trois ans dans le secteur public, et de nombreuses familles ne peuvent se permettre les honoraires des cliniques privées. »
Il se réjouit d’une nouvelle initiative de recherche auprès de la clientèle. « Les personnes qui fréquentent la clinique pourront contribuer à la recherche si elles le souhaitent », dit-il.
Un processus collaboratif
Les étudiantes et étudiants participants apprennent toutes les principales tâches liées à une thérapie : l’évaluation, la mise en place d’une alliance thérapeutique avec la personne, le début de la thérapie, l’établissement des objectifs de la personne et la conclusion de la thérapie.
Les clientes et clients savent que les thérapeutes sont encore aux études et que les séances sont enregistrées. Ces derniers les passent ensuite en revue avec un pair et la personne qui les supervise, laquelle formule ses commentaires, soulève les problèmes et oriente le plan de traitement.
Élodie Audet, étudiante aux cycles supérieurs au Département, a été thérapeute à la clinique l’an dernier, sous la supervision du professeur Fuks. Elle a suivi quatre personnes tout au long de l’année scolaire.
La supervision des séances lui a été très profitable.
« C’est difficile de se voir à l’œuvre, mais on finit par aimer recevoir de la rétroaction, parce qu’elle est vraiment utile, affirme-t-elle. On peut voir ce qui nous avait échappé et les choses auxquelles on doit accorder plus d’attention. À la lumière du déroulement de la séance, la personne qui supervise et le pair peuvent formuler des conseils éclairés. C’est un véritable processus collaboratif. »
À la fin de l’année, les étudiantes et étudiants changent de clientèle, d’environnement thérapeutique et de superviseure ou superviseur, et peuvent revenir à la clinique pour se former auprès de spécialistes ou acquérir une compétence particulière.
Les clientes et clients ont le choix de poursuivre ou non la thérapie avec une nouvelle personne.
« Pendant un an, on accompagne une personne dans tout ce qu’elle vit, résume Élodie Audet. C’est extrêmement gratifiant de pouvoir aider quelqu’un. »

Quelques bénévoles de l’initiative d’aide aux Ukrainiennes et Ukrainiens.
Initiative d’aide aux Ukrainiennes et Ukrainiens : « donner à la communauté »
L’initiative d’aide aux Ukrainiennes et Ukrainiens a vu le jour l’automne dernier et attiré environ 200 bénévoles.
Sous la direction du professeur Fuks, cette initiative du Centre de psychologie clinique Virginia I. Douglas sert une clientèle réfugiée, en majorité des femmes et des enfants, dans la région métropolitaine de Montréal.
« Il semble que cette initiative organisée expressément en réponse à une crise mondiale soit la seule ou la première du genre à servir gratuitement des personnes réfugiées avec un aussi grand nombre de bénévoles », souligne le professeur.
Élodie Audet fait partie de cette armée de bénévoles.
« J’ai beaucoup appris, témoigne-t-elle. Comme mes collègues, je ne savais pas du tout à quoi m’attendre. Tout le monde était heureux de donner du temps à cette cause. »
Un projet de sociofinancement a été lancé pour cette initiative. « La demande provenant de cette population réfugiée ne cesse d’augmenter, car les gens continuent d’émigrer pour fuir la guerre », affirme le professeur Fuks, lui-même originaire de Kharkiv, en Ukraine.
Les fonds amassés servent à payer les interprètes, les services logistiques et administratifs, et les spécialistes en santé mentale.
« Nous avons peu de frais, car la plupart des gens sont bénévoles, précise le professeur. Bon nombre des interprètes sont aussi des personnes réfugiées ou déplacées, et c’est donc un autre moyen d’aider la communauté ukrainienne. »
Un modèle mondial
L’initiative sert de modèle au Canada, mais aussi ailleurs dans le monde.
« Par exemple, après les séismes qui ont frappé le Liban et la Turquie, des personnes diplômées du Département nous ont demandé des ressources et des conseils issus de notre travail », note le professeur Fuks.
D’autres organisations canadiennes qui viennent en aide à des populations ukrainiennes réfugiées se servent des plans d’enseignement, des formations et des autres ressources de l’initiative. « Nous diffusons le fruit de notre travail le plus possible », poursuit-il.
Les travaux du professeur ont été très utiles pour la création de l’initiative. Il a conçu des modules de formation culturelle et linguistique pour les thérapeutes, une pratique exemplaire pour servir une clientèle étrangère, immigrante ou réfugiée.
Les bénévoles ont été sensibilisés aux possibles attitudes de leur clientèle ukrainienne à l’égard de la thérapie, notamment des barrières et une résistance. La formation abordait la situation géopolitique de l’Ukraine et expliquait entre autres que certaines personnes sont russophones, que la population est très diversifiée et que chaque groupe possède sa propre histoire.
Le professeur Fuks estime que, du fait de son rôle à l’Université, il était le mieux placé pour lancer cette initiative. « Grâce à mon double rôle de professeur à McGill et de directeur de la clinique, j’ai eu la chance de pouvoir mobiliser toutes ces merveilleuses ressources et ces personnes de talent auxquelles je n’aurais pas eu accès autrement », conclut-il.