« Je me suis rendu compte que même si nos recherches étaient du tonnerre, le gouvernement ne donnait pas forcément suite à nos constats ou à nos recommandations, et je me demandais sincèrement pourquoi », raconte-t-elle, d’où son inscription à la nouvelle maîtrise en politiques publiques de l’Université McGill.
C’est ainsi qu’en septembre 2019, elle s’est jointe à 31 autres jeunes professionnels de talent, première cohorte de ce programme de l’École de politiques publiques Max-Bell.
Ruhee Ismail-Teja, elle, avait déjà plus de six années d’expérience dans le domaine à son actif; elle est venue de Calgary dans le but d’acquérir de nouvelles compétences.
« Je trouvais ça génial de ne pas devoir choisir une spécialité, de pouvoir être une sorte de généraliste en politiques publiques », nous confie Ruhee, qui a un bagage en relations gouvernementales. « La possibilité de prendre une seule année de congé pour renouer ensuite avec une carrière que j’adore me souriait au plus haut point. »
« Je voulais appliquer mes connaissances en administration des affaires au secteur public. Je me suis dit que les politiques publiques étaient la solution, puisqu’elles sont situées au carrefour de l’économie et des sciences politiques, et que cette maîtrise pouvait m’ouvrir bien des portes. »
Un programme et ses cobayes
Même lorsque nous faisions une pause pour sortir un peu en ville, les politiques publiques finissaient par s’inviter dans la conversation. « On se retrouvait assis à une terrasse en train de parler de politiques publiques. C’était le programme qui voulait ça. Nous étions plongés là-dedans jusqu’au cou », se remémore Ruhee.
Pour Aria, l’un des moments forts de l’année a été le voyage au New Hampshire pour la primaire démocrate, avec arrêts au Dartmouth College ainsi qu’à des rassemblements des sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren.
« Ce fut une expérience vraiment mémorable », lance-t-il, ajoutant qu’il comprend maintenant mieux le contexte politique aux États-Unis.
Dans l’arène des politiques publiques
Christopher Ragan et ses collègues visaient un bon équilibre théorie-pratique dans leur programme, et c’est ce qui explique la diversité du corps professoral, constitué de professeurs et de praticiens.
« L’apport de praticiens qui comprennent le fonctionnement du système, mais aussi du facteur humain, est véritablement un gage de succès pour nous, je crois », avance Ruhee, « et ce facteur humain ne peut venir que d’un praticien des politiques publiques », ajoute-t-elle.
Autre élément fondamental du programme, le Laboratoire des politiques publiques fonctionne de janvier à juillet. Travaillant en groupes restreints, les étudiants s’attaquent à un véritable problème de politiques publiques soumis par une organisation commanditaire, puis formulent des recommandations à la fin de l’année.
« Le Laboratoire, c’est le royaume de l’ambiguïté, et c’est voulu : c’est à l’image du merveilleux monde des politiques publiques », fait observer Nathalie Duchesnay, chargée d’enseignement et coordonnatrice du Laboratoire qui a participé à la mise en place de cette composante du programme. « Les étudiants peuvent vraiment s’imaginer dans les fonctions qu’ils souhaitent exercer après l’obtention de leur diplôme. »
« Le travail des étudiants, le fruit de leurs recherches et les idées qu’ils soumettent ont une énorme importance aux yeux des organisations commanditaires, poursuit-elle, ce qui rend le processus beaucoup plus intéressant pour les étudiants, qui s’y investissent pleinement. »
Sumaiya Talukder faisait partie d’une équipe commanditée par Ressources naturelles Canada et devant proposer des orientations publiques en vue d’une éventuelle transition vers une économie circulaire. « Ils s’intéressaient vraiment à nos travaux, même après l’arrivée de la COVID, dit-elle. Et cet intérêt nous motivait à pousser sans cesse plus loin notre recherche. »
Retour sur le marché du travail
En mars 2020, à l’instar de tous les étudiants de l’Université, la cohorte a dû passer du jour au lendemain aux cours à distance.
« L’École était à notre écoute, et nous avons eu de nombreuses assemblées générales sur l’adaptation du programme pendant la pandémie », explique Aria. Tout comme Ruhee et Sumaiya, il a trouvé les cours virtuels plus épuisants; néanmoins, il est reconnaissant d’avoir reçu de l’aide financière de l’École pendant cette période grâce au fonds d’aide COVID-19.
Après la collation des grades virtuelle, l’automne dernier, les étudiants de la cohorte ont réintégré le marché du travail et l’ont fait avec brio, même si l’économie était en berne. « Ils sont en poste dans de prestigieuses organisations du Canada et du monde, notamment le Programme alimentaire mondial, le Trésor de Sa Majesté, KPMG et le Martin Family Institute », souligne le Pr Ragan, ajoutant que tous ceux qui étaient à la recherche d’un poste en ont décroché un.
Aria Yousefi est aujourd’hui analyste principal, Politiques publiques, à la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), en partie grâce aux relations qu’il a nouées dans un cours de la maîtrise donné par le président et premier dirigeant de cet organisme. D’ailleurs, précise-t-il, la SCHL s’est appuyée sur un exposé de politique rédigé par un des groupes du Laboratoire – celui de Ruhee, en l’occurrence – dans un dossier sur l’hébergement des personnes âgées en milieu rural.
Le Laboratoire sur les politiques publiques a orienté le parcours de Sumaiya Talukder également. En effet, son incursion dans le domaine des ressources naturelles lui a valu une prestigieuse bourse de recherche de six mois octroyée dans le cadre du programme Chercheurs en politiques publiques, financé lui aussi par la Fondation Max Bell; ainsi, Sumaiya se penchera sur l’innovation en énergies propres à la Canada West Foundation.
« J’ai appris une chose : ce n’est pas juste une affaire de politique, c’est l’ensemble du processus qui entre en ligne de compte », répond Sumaiya lorsqu’on lui demande si elle comprend mieux aujourd’hui les obstacles auxquels elle s’est butée au Bangladesh. « Le gouvernement doit rendre compte de ses décisions, alors pour ces gens-là, l’approche essais-erreurs est difficile à appliquer. Ils ne peuvent pas simplement lancer un ballon d’essai, puis retirer leurs billes. »
Quant à Ruhee, elle est chef des politiques et des relations gouvernementales à la chambre de commerce de Calgary. Elle a donc renoué avec sa passion : mettre sa matière grise au service de la résolution de problèmes complexes. Le programme, dit-elle, lui a fait prendre conscience qu’en matière d’orientations publiques, les subtilités varient énormément d’une province à l’autre.
« Dans un domaine comme le mien, où les décisions doivent être prises en fonction des multiples intérêts en cause et du bien commun, le choc des idées en classe s’est révélé très formateur et, je n’en doute pas un instant, a fait de moi une praticienne plus compétente. »