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Ouvrir des voies de réussite pour les jeunes pris en charge

Un don d’un million de dollars de la part de Martine Turcotte, diplômée et bénévole de McGill, pour créer à McGill un programme de bourse et de soutien complet pour les étudiants issus du système québécois de prise en charge des jeunes

Passage dans la bibliothèque en été

Imaginez un instant les obstacles auxquels sont confrontés les jeunes placés en famille d’accueil dont l’enfance a été traumatisante et qui rêvent d’aller à l’université. 

« Il s’agit d’un groupe de jeunes qui ne sont pas soutenus dans leur éducation », déclare Nico Trocmé, directeur de l’École du service social de McGill. « L’État intervient dans leur vie et est responsable d’eux tant qu’ils sont enfants et jeunes adultes, après quoi, ils sont laissés à eux-mêmes. C’est un énorme problème à la grandeur de l’Amérique du Nord », dit-il.

C’est pourquoi M. Trocmé est enchanté de la mise sur pied à McGill d’un programme de bourse et de soutien complet pour les étudiants provenant du système de prise en charge du Québec. La nouvelle initiative est rendue possible grâce à un généreux don d’un million de dollars à l’Université de Martine Turcotte, B.C.L. 1982, LL.B. 1983, une ancienne étudiante en droit de McGill.

« J’ai eu de la chance dans la vie parce que mes parents croyaient en l’éducation », déclare Me Turcotte, une bénévole de longue date de McGill qui a servi 10 ans au Conseil des gouverneurs de l’Université. 

« Je me suis toujours sentie mal pour les enfants du système de protection des jeunes », ajoute-t-elle. « Il y a des enfants qui n’ont pas la chance que j’ai eue dans la vie, et ils n’y sont pour rien. Ils n’ont pas de parents qui sont là pour eux. »

Me Turcotte salue l’approche holistique prévue pour le nouveau programme de bourses. « C’est plus que de simplement financer les étudiants », dit-elle. « Il s’agit de créer un environnement pour assurer leur réussite. »

En plus du nouveau prix étudiant qui porte son nom, le programme Martine Turcotte de mentorat et de soutien pour les jeunes pris en charge fournira aux bénéficiaires un système de soutien structuré.

« Il s’agit d’une initiative visionnaire et révolutionnaire », affirme Delphine Collin-Vézina, directrice du Centre de Recherche sur l’Enfance et la Famille (CREF) de l’École de service social. « Et la joie d’avoir une bailleuse de fonds qui a cette vision et nous permet de la concrétiser est inexprimable. Je sais que cela fera une différence pour de nombreux jeunes. »

Environnement stimulant pour les bénéficiaires de bourses

Le Centre comprend environ 40 chercheurs, dont plusieurs se concentrent sur le système de protection de la jeunesse. Ils ont aussi la fonction de  «courtiers de connaissances » puisqu’ils travaillent avec des partenaires pour cerner les questions qui guideront les pratiques et services sociaux à l’intention des enfants, et trouver les réponses par la recherche, explique Mme Collin-Vézina. 

Le Centre supervisera le mentorat des bénéficiaires de la bourse Martine Turcotte, peu importe la faculté à laquelle ils s’inscrivent. Les étudiants de deuxième et troisième cycles de l’École (certains pouvant provenir du service de prise en charge) seront jumelés avec les lauréats pour les encadrer.

« Nous espérons que le CREF, en collaboration avec d’autres départements de McGill, deviendra une sorte de pôle social pour les boursiers », déclare Mme Collin-Vézina.

Les étudiants profiteront également d’occasions d’apprentissage par l’expérience pendant les trois étés qu’ils passeront à McGill en occupant des postes rémunérés d’assistants de recherche financés par le don de Me Turcotte. Le Centre aidera les étudiants à entrer en contact avec les professeurs de leur faculté et de leur domaine d’études pour obtenir des emplois en recherche. 

« Nous espérons ainsi qu’ils puissent développer de véritables compétences, avoir un sentiment d’appartenance et concrétiser leurs rêves d’avenir », déclare Mme Collin-Vézina. 

L’un des objectifs du programme est de soutenir les boursiers tout au long du cycle de vie étudiante et au-delà, jusque dans leur carrière, explique Martine Gauthier, directrice générale des Services aux étudiants.

« C’est le premier système de soutien vraiment articulé qui va du recrutement au soutien et à la rétention jusqu’à l’obtention du diplôme et l’intégration sur le marché du travail », affirme Mme Gauthier. Une fois le programme élaboré et évalué, l’unité de Services aux étudiants s’assurera de le reproduire pour d’autres groupes sous-représentés.  

Le don financera notamment un poste de type conseiller-mentor pour aider les bénéficiaires de la bourse à évoluer dans le monde universitaire — « pour que les étudiants n’aient pas à aller à 10 endroits différents », dit Mme Gauthier. « On leur attribue une personne-ressource vers laquelle ils peuvent se tourner, et cette personne les dirigera vers les ressources nécessaires, comme un conseiller local en bien-être de McGill. »

« Un début de vie très difficile »

La sensibilisation et le recrutement sont deux autres activités clés qui seront financées.

« Ces jeunes font face à de nombreux défis différents », dit Mme Collin-Vézina. « S’ils sont en pris en charge, ils ont probablement déjà soufferts de maltraitance, de négligence et de difficultés familiales, dues parfois à des parents aux prises avec des problèmes de santé mentale ou de toxicomanie. C’est un début de vie très difficile. Une enfance pauvre en occasions d’apprentissage nuit au plein développement des capacités. »

Elle a mentionné une étude pionnière menée par Martin Goyette, chercheur à l’École nationale d’administration publique, sur le système de protection des jeunes du Québec. Parmi les conclusions troublantes publiées dans La Presse en 2018, notons celle établissant à seulement 17 pour cent les jeunes de 17 ans ayant atteint le niveau approprié d’éducation (secondaire cinq) pour leur âge. Vingt-sept pour cent aspiraient aller à l’université.

M. Trocmé avertit qu’il ne sera pas si facile de recruter des étudiants — ce n’est pas une simple question de mettre un lien sur le programme de bourses du site Web de McGill. « Ils doivent savoir que c’est possible. Ils doivent savoir que les mécanismes de soutien sont en place. » 

M. Trocmé est heureux que Mme Collin-Vézina et le CREF participent au nouveau programme de bourses en raison de leur connaissance du système de protection de la jeunesse. Il explique que ceux-ci connaissent le personnel des Centres de la jeunesse et de la famille Batshaw et d’autres organismes de protection de l’enfance du Québec qui peuvent aider à sélectionner les jeunes prometteurs qui pourraient être recrutés dans le programme.

McGill a déjà un programme de bourses d’études pour les jeunes pris en charge de 5 000 $ par étudiant par année, ou couvrant les droits de scolarité, selon le montant le plus élevé. McGill amplifiera la valeur du don de Me Turcotte en versant ce montant à la bourse complète, explique Cara Piperni, directrice du Service des bourses et de l’aide financière. 

Le don servira à soutenir cinq récipiendaires pour chaque année de leurs études à temps plein. « C’est un engagement à long terme, et nous savons qu’avec un tel plan financier, ils parviendront à la ligne d’arrivée », explique Mme Piperni. Les bourses devraient commencer à être remises en 2024 (potentiellement plus tôt s’il y a des candidats qualifiés).

Selon Me Turcotte, chaque enfant qui réussit contribue à la société. Elle espère que d’autres donateurs appuient le programme et que les étudiants deviennent des mentors. 

Me Turcotte a connu une carrière fructueuse et hautement dynamique chez Bell, où elle a travaillé pendant 31 ans et a été la première femme nommée cheffe des affaires juridiques dans l’histoire de l’entreprise. Elle a quitté son poste de présidente, direction du Québec, en 2020.

Me Turcotte considère l’éducation comme étant « le meilleur héritage que l’on peut donner à quelqu’un » et dit avoir choisi McGill pour perfectionner son anglais en y entamant des études juridiques à 17 ans. Elle rit en se rappelant un cours de première année universitaire sur le droit des biens dans lequel elle apprenait les obligations locatives alors qu’elle était encore trop jeune pour signer un bail elle-même. 

Sa première année a été difficile, mais ses parents l’ont encouragée à continuer.

« Au moins, j’avais ce soutien parental », partage-t-elle. « C’est ce que je veux dire... l’écosystème de soutien est essentiel. »

Martine Turcotte

Martine Turcotte